L'aube fleurie

L'aube fleurie

Rencontre cabotine

L'atelier de Ghislaine n° 184

Il fallait 

 Insérer les mots suivants :

Entrevoir, maladroit, aperçu, droit

pouvoir, fenêtre, sentier, surprise.

ou ceux-ci :

Glisser, plisser, délice, caprice

malice, tisser, complice, aimer.

............

ou

Un écrire un texte avec au moins 5 mots commençant par T.

 

Ou un texte humoristique

J'ai choisi de corser la difficulté en mélanger les 4 choix :

 

RENCONTRE CABOTINE

 

   C’est un matin ordinaire d’un mois de mars ordinaire. Du moins est-ce ce que je crois ce jour-là,. Je suis toute heureuse de voir les rayons du soleil inonder la maison, à travers les vitres des fenêtres closes. Ce beau temps me met en joie. Il faut dire qu’il fait gris depuis un temps interminable, alors cette embellie est vraiment bienvenue. Je décide de sortir pour en profiter, et, pourquoi pas, pour faire d’une pierre deux coups, de me rendre au marché en vue de satisfaire un petit caprice. J’ai repéré une recette qui m’a l’air tout à fait sympathique dans la revue très connue (enfin, peut-être pas par vous, mais c’est pour les besoins du défi, n’est-ce pas) : « Tour d’horizon ». Je suis sûre que le mets en question est un délice. Pour le réaliser, il va me falloir des Topinambours, du Thym et du romarin, et des Trompettes de la mort, qui, comme leur nom ne l’indique pas ne sont pas des champignons vénéneux. Ils sont donc comestibles, de surcroît peu caloriques – ce qui m’arrange bien – excellentes pour le transit, bourrées de fibres, de protéines et de vitamines. Comme notre corps a aussi besoin de lipides, je cuisinerai le tout avec de l’huile de tournesol.

 

   Vous voulez la vérité totalement vraie de vraie ? En réalité, ce jour-là je me suis rendue au marché pour acheter des fruits et légumes dont les noms, hélas ne commencent pas par T : poireaux, navets, carottes, pommes…  J’aurais pu les nommer toireaux, tavets, tarottes et tommes pour faire une toupe et une tarte, pour les besoins du challenge, en faisant parler la voix ténue et zozotante d’un très jeune enfant, par exemple, mais je me suis dit que ça paraîtrait peut-être un peu gros… Et puis les tomates, ce n’était pas de saison, alors…

 

   Bref, me voilà partie avec une nouvelle idée tarabiscotée en tête, en ce mardi très ensoleillé, bien que frisquet. J’enfile ma grosse doudoune gris-taupe, mon bonnet et mes gants dans les mêmes tons, et je me mets en route. Je vais passer par la rue des Prés, puis avant d’arriver à la grand-route, je bifurquerai sur la gauche pour prendre un sentier à travers champs, lequel me mènera tout droit à la place du village.

 

  Je me trouve à présent sur le sentier en question, un raccourci bienvenu, ma foi, et fort agréable. Je me sens détendue, sereine, heureuse de marcher tranquillement au milieu de cette belle nature au feuillage naissant. Je prends bien le temps de respirer à pleins poumons les senteurs subtilement fleuries d’un printemps légèrement en avance ; de traquer du regard les troglodytes tapis dans les haies ; de me laisser bercer par les troublantes roucoulades des tourterelles ; de m’émerveiller du tango des papillons qui tournent en couples autour de moi comme s’ils étaient tout heureux de m’accompagner, semblant complices de ma joie de vivre.

 

   J’ai peut-être parcouru une cinquantaine de mètres sur ce long chemin piétonnier, lorsque je vois venir vers moi un couple de bipèdes du genre humain, cette fois. Ils sont accompagnés de deux chiens qu’ils ont détachés pour les laisser courir dans le champ qui se trouve à ma droite et qui longe la route principale. Du vague autant que trouble aperçu que j’en ai, le premier est un Labrador. Les deux chiens sont encore trop loin de moi pour que je puisse définir la race du second.

   Je ne vais pas tarder à le savoir, je vais très bientôt le voir de près. De Très Très près, même. Les deux chiens batifolent joyeusement, tantôt en tournant autour de leurs maîtres, tantôt dans le champ. Soudain, l’un des deux se détache très nettement de l’autre et de ses maîtres. Il arrive droit sur moi en courant à toute vitesse. Je n’ai pas peur des chiens, et j’aime beaucoup les animaux en général. Petite rectification tout de même : je « n’avais » pas peur des chiens.

  Donc, disais-je, à ce moment-là je n’ai pas peur des chiens. J’ai le sourire aux lèvres en voyant celui-là s’approcher de moi, tout guilleret – c’est ce qu’il semble, en tout ca –. Je vais pouvoir le caresser, peut-être même jouer un peu avec lui. Mais quand il arrive à deux mètres de moi, surprise ! En un quart de seconde, j'entrevois dans son regard quelque chose qui ne ressemble pas tellement à une envie de jouer, même pas du tout. Ce qui aiguise aussitôt ma méfiance. Je plisse les yeux pour mieux déterminer l’expression des siens. Mais bien avant que j’aie le temps d’analyser la situation, me voilà directement et brutalement renseignée par les crocs de l’animal qui pénètrent violemment ma chair. « A-t-il pris ma main pour un bifteck, gantée qu’elle était de gris ? Hum… un bifteck gris ? Ou bien est -il en période de dressage, et m’a-t-il prise pour un dresseur ou une dresseuse, enveloppé de sa combinaison de Maître-chien ? » Ça, évidemment, ce sont les questions que je me poserai plus tard, car pour le moment, l’heure n’est pas de s’interroger sur les supputations d’un jeune Berger allemand vindicatif. En effet, je peux voir très nettement à présent à quelle race d’animal j’ai affaire. Je reprends très vite mes esprits et je chasse énergiquement ce prétentieux cabot de la main tout en lui hurlant dessus. Mais comme je ne suis pas dotée d’une voix de ténor, mais de celle d’une soprano, je vous laisse imaginer l’impact de ma tessiture sur le comportement agressif de l’animal, lequel semble déterminé maintenant à goûter à la chair de mes mollets. Sans doute pour voir si le gigot est aussi bon que le bifteck. Je m’époumone de plus belle, tout en tournant en même temps que le chien qui cherche un point d’attaque, visiblement. Mais si la bête est courageuse, elle n’est pas téméraire, et cherche à rester à l’abri de mon regard, alors elle m’approche sournoisement par derrière. Je me retourne, le chasse de la main et de la voix. Il s’en va, fait traîtreusement semblant de m’obéir, puis revient à la charge. Tourne encore autour de moi. Je le chasse de nouveau. Il revient, aussi tenace qu’un taon au mois d’août. Notre valse impromptue devrait interloquer ses maîtres, pourtant… Le croyez-vous ? Non, non, pas du tout ! Pendant ce temps, le couple continue à avancer tranquillement sur le sentier, le nez en l’air, sans se rendre compte de rien. Peut-être pensent-ils que je suis en train de jouer avec leur si adorable chien. Ceci dit… je ne peux pas leur en vouloir, après tout, moi aussi j’aime bien profiter de mes promenades le nez en l’air, tout en humant béatement les odeurs de la nature. Il n’y a pas de mal à ça, ni même la plus petite once de malice.

 

  Voilà maintenant que le Labrador - qui n’est pas sourd, lui, au moins - attiré par les cabrioles de son camarade et mes gesticulations affolées, arrive en courant vers nous. « Non, il ne va pas s’y mettre, lui aussi ? Peut-être pense-t-il que son pote est en danger ? Va-t-il à son tour tenter de me mordre ? Mais non… c’est gentil un Labrador… »

 

  Avant que j’obtienne réponse à mes questions quelque peu angoissées, le jeune couple arrive enfin à ma hauteur, visiblement tout à fait inconscient de ce qui vient de m’arriver. Les chiens semblent enfin m’avoir oubliée et retournent, tout joyeux, vers leurs maîtres. Bienheureux temps de pause pour moi, ce n’est pas trop tôt ! Mais Tout de même, vous imaginez bien que je suis énervée. Je crie à ces inconscients, de ma voix de crécelle – eh oui, parce qu’une soprano qui crie, ça donne une voix de crécelle - :

— Votre chien vient de me mordre, là ! Quand on a un chien mordeur, on le tient en laisse ! Ou bien on lui met une muselière, au minimum !

 Ce à quoi la jeune femme me répond, l’air très embarrassée :

— Oh… il vous a mordu, Madame ? Désolée, vraiment désolée… ».

 « Pas autant que moi » ai-je envie de lui répondre.

L’homme me regarde d’un air suspicieux, et quant à lui s’étonne, de la voix du type pris en faute, et qui en fait un peu trop pour être tout à fait honnête :

 — Il vous a mordue ??? C’est bizarre, ça, il ne fait jamais ça d’habitude, c’est la première fois », me dit-il pendant que le chien continue à me grogner dessus, les babines retroussées, l’œil mauvais.

« Vous me voyez ravie de cette primeur, et d’être l’exception qui confirme la règle. »

Il vous a vraiment mordue ? insiste-t-il, pendant que sa compagne, beaucoup plus compatissante, se confond toujours en excuses.

— Mais oui ! lui cris-je, de plus en plus agacée. Voyez vous-même !

Là-dessus, j’ôte mon gant pour lui prouver mes dires et pour constater moi-même en même temps la gravité du tort subi. Inspection faite, il se trouve que je n’ai qu’un petit point rouge à l’articulation du majeur.

— Ce n’est pas bien méchant, je pense qu’il a seulement voulu jouer, ajoute alors l’homme sur un ton ironique, pendant que son gentil toutou me montre toujours ses crocs pointus derrière ses babines retroussées, et qu’il grogne bruyamment dans ma direction.

« En plus d’être tatillon et condescendant, cet homme est sourd comme un pot, c’est pas possible ! »

— Oui, bah c’est encore une chance ! lui réponds-je, en essayant tout de même de garder mon sang-froid. J’ai eu peur, figurez-vous !

Qu’à cela ne tienne, il ajoute une remarque censée me calmer :

— Mon chien est très joueur, mais il peut se montrer maladroit, parfois…

« Maladroit ? C’est tout ce qu’il trouve à me répondre ? Et puis quoi encore ? Pendant qu’il y est, il n’a qu’à apprendre à son chien comment mordre un tout petit peu les gens sans leur faire de mal ! »

— Je vous comprends, intervient la femme, qui semble vraiment très gênée, quant à elle. C’est normal que vous ayez eu peur.

 

   La voyant encore plus embêtée que moi, et après avoir constaté que finalement je n’ai pas grand-chose à la main, je décide d’atténuer un peu son tourment en me montrant fairplay d’un : « c’est bon, allez, y a pas mort d’homme ». Puis je vais continuer ma route, sans même penser à leur demander si leur chien a bien reçu ses vaccins, sachant que je suis moi-même très en retard sur les miens. Mais puisque je ne saigne pas et que la bave canine n’a donc pas pu entrer dans mes veines…

 

   Une cinquantaine de mètres plus loin, je commence à ressentir une très forte douleur au milieu de la main. J’ai l’impression qu’on est en train de m’y enfoncer une tige de fer brûlante. De nouveau, j’ôte mon gant, et là, Ô surprise, je découvre que le dessus de ma main est enflé, qu’un énorme bleu est sorti, avec un très léger écoulement de sang au milieu. « Je ne vais pas aller au marché en ayant mal comme ça », me dis-je. De toute façon, je n’en ai plus du tout envie. tout ça m’a coupé le sifflet. En même temps que mon bel enthousiasme de tout à l’heure. Et puis, il va peut-être falloir que je montre cette blessure à un médecin, on ne sait jamais… »

 

   Je décide de téléphoner à mon infirmière pour recueillir son avis. Elle me conseille aussitôt de me rendre directement aux urgences « SOS mains » sans passer par la case médecin, puisque, de toute façon, c’est aussi là-bas que m’enverra mon toubib, car me dit-elle, 90% des morsures de chien à la main nécessitent une investigation plus profonde. En clair, cela signifie que l’on devra sûrement m’ouvrir la main, pour voir s’il n’y a pas de dégât au niveau des tendons, des petits os, ou autres…

— Êtes-vous à jour du vaccin contre le tétanos ? me demande-t-elle.

— Non, réponds-je.

— Dans ce cas, appelez-moi pour prendre rendez-vous si vous avez des soins à faire, et on en profitera pour vous vacciner.

 

   La main, c’est compliqué, paraît-il, et puis j’y tiens, moi, à ma main, vous comprenez ! Je suis droitière, en plus. J’en ai besoin pour plein de choses, de mes mains, et surtout pour écrire. Que vais-je devenir si je ne peux plus écrire ?

 

   Enfin bref, me voilà partie aux urgences, où d’ailleurs, quoi qu’on en dise, je vais être  super bien accueillie, où j’aurai affaire à un personnel très compétent qui me recevra avec le sourire, et ceci depuis les agents du bureau d’accueil jusqu’aux médecins, infirmières et manipulateurs radio. C’est tout à fait normal, me direz-vous. Certes, un accueil aimable et bienveillant à l’hôpital est entièrement normal, oui, mais quand les choses sont mal faites en milieu hospitalier, généralement on ne se retient pas de critiquer ou de traiter les thérapeutes d’incompétents, alors dans le cas contraire, pourquoi se taire ? Il me semble légitime de s’exprimer aussi, dans un sens positif, cette fois.

 

   J’en serai quitte avec la prescription d’un désinfectant, d'un antibiotique corsé, d’un vaccin anti-tétanos et d’un médicament contre la douleur, après une radio ne montrant aucune lésion sérieuse, mais seulement un léger traumatisme. Ouf, je vais pouvoir rentrer chez moi ! Je fais donc partie des 10% de gens qui n’ont pas subi d’intervention chirurgicale à « SOS mains » suite à morsure de chien, ainsi que vient de me le confirmer d’ailleurs l’aimable urgentiste.

 

   Je viens de vous livrer dans les moindres détails – mis à part, bien sûr, la recette un peu spéciale des topinambours aux trompettes de la mort – le récit brut de ce qui m’est réellement arrivé ce matin-là. Je vous fais grâce de tout ce qui est venu se greffer autour de l’événement, au travers de polémiques diverses, notamment celle de savoir si j’aurais dû ou non porter plainte, contre X puisque je ne connaissais pas ces personnes. On se serait crû sur le plateau de TMPT ! « Martine a-t-elle eu raison ou non de ne pas porter plainte à la gendarmerie, suite à la morsure d’un chien qui aurait dû normalement être tenu en laisse ? Parce que si ça avait été un enfant… » Je ne vous cache pas que ce dernier argument m’a quand même un peu interpellée, toutefois j’ai décidé de croire en la bonne foi et la bonne volonté des maîtres du chien. Je me suis dit que ma mésaventure leur servirait sûrement de leçon, et que la prochaine fois ils veilleraient à rattacher leur « gentils toutous » en présence d’autres personnes. Et puis je me suis dit aussi : « personne n’est parfait, à toi aussi il t’arrivait de laisser courir Poker sans laisse, après tout. » Bon, évidemment, c’était un coton de Tuléar… Pour ceux qui ne connaissent pas cette race, c’est un descendant du bichon. Il était tout à fait inoffensif. Il n’aurait pas fait de mal à une mouche. S’il entendait un bruit anormal, il prévenait à chaque fois, ça oui, mais si un cambrioleur était entré dans la maison, il aurait aussitôt filé se cacher sous la table du salon, la queue basse et les oreilles encore plus. Ce n’était pas Terminator, mon poker. Titi narguant Grosminet, à la rigueur… Et puis surtout, il lui aurait fallu sauter le double de sa taille pour atteindre une main. 

   

   Enfin, vous l’aurez compris, j’ai décidé de rester magnanime et de laisser glisser. De plutôt tirer la leçon de ma petite mésaventure. Quelle leçon, me direz-vous ? Sur le coup, j’avoue que je me suis posé la même question. Je me suis plutôt demandé pourquoi ça m’arrivait à moi qui aime tant les animaux, et particulièrement les chiens. Je serais incapable de leur faire le moindre mal. Alors pourquoi moi ? Pourquoi ce jour-là ? À cet endroit-là ?

   Je ne le saurai probablement jamais, mais ce que je sais, avec certitude, c’est qu’au fil de nos réactions face aux événements imprévisibles de notre vie, nous nous tissons un caractère, et même plus que cela.

 

   Il fut un temps où j’étais plus vindicative que je ne le suis aujourd’hui, un tantinet procédurière aussi, chaque fois que mon honneur ou ma liberté était en jeu. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, remarquez, dans les cas les plus graves il faut savoir se faire respecter, même lorsque l’on est quelqu’un de très pacifique, comme je le suis. Toujours est-il qu’à cette époque-là, j’aurais sûrement couru jusqu’à la gendarmerie pour y déposer plainte, me faisant un devoir de prévenir ainsi toute récidive, et ce, même s’il ne s’agissait pas d’un cas grave.

 

   Aujourd’hui, j’ai toujours le réflexe de me dire que tout ce qui advient dans notre vie, et que nous n’avons pas délibérément provoqué, advient pour une raison précise, et qu’en toute chose il vaut mieux examiner la situation de plus près, avant de décider si oui ou non, celle-ci vaut la peine qu’on la rende plus douloureuse qu’elle ne l’est déjà. Car il est certain que cela m’aurait beaucoup contrariée d’intenter une action en justice pour un préjudice aussi faible.

 

  Je ne sais pas si j’ai eu raison ou tort, mais c’est en tout cas ce que j’ai choisi de faire, malgré les conseils de ceux ou celles qui étaient d’un avis contraire, et qui sans doute, venaient tout simplement d’avoir peur pour moi à retardement. Certes, cela aurait pu être plus grave, mais le fait est que cela n’a pas été le cas.

 

   Aujourd’hui ma main va très bien. Je me méfie un peu plus chaque fois que je croise un chien, je ne vous le cache pas, mais je sais que la confiance reviendra, et surtout, que dans la vie il ne faut pas se prendre trop au sérieux, et savoir rire de soi aussi, tout en se respectant, ces deux attitudes n’étant nullement incompatibles.

 

MPV

 

 

 

 

 



03/05/2022
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