L'aube fleurie

Atelier de Ghislaine n° 224:

Ecrire un texte comportant les 6 mots suivants:

Carnet, relater, note version consigner action

ou les 6 autres :

Suspect, étrange vision brume opaque, sembler

ou un texte comportant au moins 5 mots commençant par O

ou 5 mots avec le son "ente" "ante

ou ressenti sur image.

J'ai traité tous les sujets en un.

   « Je veux vous relater l’étrange atmosphère de ce petit matin-là, un 14 septembre, très exactement, au bord d’un étang aux rivages herbus plongés dans une brume opaque, qui conférait aux lieux une apparence singulière et envoûtante.

   C’était comme un décor de film hanté, une vision cauchemardesque digne des plus sanglantes nuits d’Halloween. La surface de l’eau remuait de façon anormale, faisant apparaître des formes suspectes qui semblaient planer au-dessus. Ces spectres opalescents de forme indistincte ne surgissaient pas de l’eau, ils se formaient à partir d’elle, puis, tels des serpents, déroulaient sur toute la surface leurs fluides corps oblongs.

   J’essayais de me persuader que ce n’étaient là que des ombres diffuses s’étirant mollement sous la lune. Qu’allais-je donc imaginer ? Je décidai pourtant de noter scrupuleusement tout ceci dans mon petit carnet, sans omettre le moindre détail. Pendant que j’étais penché sur ma page encore vierge, l’un des serpents est sorti de l’eau à toute vitesse, sans que je m’en aperçoive. C’est du moins ce que j’ai pensé en le découvrant soudain juste devant moi. Je me suis réveillé trois heures plus tard. Tout était rentré dans l’ordre. L’étang était calme, le soleil brillait, les oiseaux chantaient. Plus aucune trace des fantômes de la nuit.

   Pendant que son ami est en train de lui lire le début de son roman, Paul fixe la bouteille de whisky vide à côté de lui. Martial l’a appelé au secours en pleine nuit. D’une voix pâteuse, son ami lui a décrit une scène d’horreur digne des meilleurs thrillers. Angoissante et perturbante à souhait. Paul savait déjà avant de venir qu’il allait retrouver son ami aux prises avec ses vieux démons, sous forme d'idées obsédantes, comme d’habitude. Des pensées auxquelles il prête vie de manière totalement démente. Mais c’est son ami, alors il a répondu immédiatement à l’appel, et sans réfléchir il est venu, une fois de plus.

   Son ami Martial a vécu des événements extrêmement traumatisants au cours de son enfance. Il en a gardé des séquelles terribles. Parmi elles, ces hallucinations visuelles et auditives qui lui pourrissent la vie de manière récurrente. Il a toujours refusé de consulter un psy, honteux comme s’il était responsable d’une façon ou d’une autre de ce qui lui était arrivé. Alors, c’est à Paul qu’il se confie, son cher et fidèle ami d’enfance.

   « Tu sais, le rassure gentiment ce dernier, afin de minimiser ses obsessions si épuisantes, parfois le rêve rejoint la réalité, sans que l’on sache très bien pourquoi. L’action se déroule alors sous nos yeux, comme si nous y étions. Pourtant, ce que nous voyons n’existe pas, et cette version des faits que nous relatons en toute bonne foi n’a rien à voir avec la réalité. C’est ce que l’on appelle avoir trop d’imagination, mon ami. Es-tu sûr de vouloir publier le texte que tu viens de me lire ? Vas-tu préciser à tes lecteurs d’où te viennent ces peurs obsessionnelles profondes ? Es-tu prêt à te livrer entièrement ? Car c’est là que tes écrits te mèneront : sur la place publique. Immanquablement. Et il faut être fort pour ça. Es-tu assez fort pour ça ? Tu sais, dans un premier temps, tu peux très bien écrire uniquement pour toi. Ça, c’est bien, ça va t’aider. Exprimer par écrit ce que l’on ressent permet de mettre de l’ordre dans ses pensées.

   Allez, viens, mon pote, je vais te ramener chez toi. Tu réfléchiras à tout ça à tête reposée. Pour cette fois, tu as échoué à vaincre tes démons, mais ça ira mieux demain, ajoute-t-il d’une tape amicale sur son épaule.

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