Mystérieux tournesols...
C’était un beau matin, un été de lumière,
Au soleil généreux, au zéphyr caressant,
Tous deux main dans la main, nos regards en prière
Pour la terre et les cieux et tout être vivant,
Sans prononcer un mot, heureux dans le silence,
Au point d’être amoureux de cette aura divine
Que posait le halo plein de magnificence
De l’astre radieux sur l’aurore angevine,
Nous avancions au pas, au silence béni
Suspendu par instant par le vol d’un bourdon,
Le sifflement de joie d’un piaf, d’une perdrix,
Ou par le bruissement des criquets et grillons.
Sur ce petit chemin parfumé d’aubépine,
Où les mûres sauvages avoisinaient les ronces,
Où poussaient le jasmin, les belles églantines,
Et espèces sans âge agencées en quinconce,
Nous avancions, légers, enchantés, insouciants,
Goûtant avec délice chaque atome de vie,
Aspirant l’air chargé des parfums du vivant
Dépourvu d’artifices ou de mauvais esprit,
Quand soudain devant nous, dans la clarté du ciel,
Se dressèrent, insolents, splendides, éblouissants,
À tomber à genoux, de sublimes soleils !
De simples fleurs pourtant, ces tournesols dansant,
Planant, tourbillonnant, dans le souffle léger
De la brise élégante et tendre de l’été,
Leurs tiges de géant semblant bien arrimées
À la terre craquante, aride et assoiffée.
De sa petite main affermie dans la mienne,
J’ai senti l’émotion palpiter doucement.
Il a brisé soudain le silence irréel
En posant sa question, avec sa voix d’enfant :
— C’est quoi ces fleurs, mamie ? On dirait des soleils.
— Ce sont des tournesols, lui ai-je répondu.
On dirait bien qu’ils prient, tournés vers le soleil,
La tête vers le sol, mais les yeux dans les nues.
— Non, regarde, mamie, ils se tournent en arrière
— Mais non, c’est impossible, ai-je dit aussitôt,
C’est la loi de la vie, ils cherchent la lumière,
Leur cœur est invincible et ne craint pas le chaud.
Mais soudain, Ô stupeur, je vis que j’avais tort,
Car les fleurs, c’était vrai, se détournaient de lui
Ce soleil plein d’ardeur qui réchauffait si fort
Leur cœur aimant, si près d’être ses seuls amis.
Car qui peut regarder le soleil dans les yeux
Sans en être aveuglé jusqu’à la fin des temps ?
Qui peut le vénérer, ce beau prince des cieux
Sans craindre de danger pour sa peau et son sang ?
Il fallut bien pourtant me rendre à l’évidence :
Les tournesols valsaient à l’envers du soleil,
Spectacle si troublant qu’il provoqua la transe
De mon esprit défait et mon cœur tout pareil.
Si même la nature s’y mettait elle aussi
À marcher à l’envers, pousser à reculons !
À noircir la verdure, à corrompre la vie !
Tout allait de travers et défiait la raison !
Je vérifiai pourtant, dès que je fus rentrée,
En pianotant, fébrile, arrimée au clavier,
Cette règle d’antan apprise et répétée
De cette fleur docile avoisinant les blés.
Et je fus soulagée, mon Dieu, d’avoir raison,
Mais contrariée d’autan par ce curieux mystère
Des tournesols penchés vers un autre horizon
Que celui du géant salué depuis des ères.
Je ne savais vraiment que penser de cela
Et pendant plusieurs jours, ce fait plus qu’insolite
Perturba tout mon temps. Il me troubla, je crois.
Je n’aime pas ces tours de la vie contredite…
Depuis peu j’ai appris qu’un soleil invisible
À nos yeux innocents du pouvoir de l’amour
Avait percé la nuit de ce mur inaudible
De la haine d’antan essaimée en discours,
Qu’il était là, tout près, attendant ce grand jour
Où nos yeux le verraient sans lunettes et sans voile
Quand nous y serions prêts, tout imprégnés d’amour,
Quand nos cœurs concevraient de lumineuses étoiles.
J’ai repensé alors à ce mystérieux jour…
Les tournesols heureux m’avaient montré les cieux
Qu’ils voyaient comme l’or brillant d’un pur amour
En ce soleil radieux perçus seulement d’eux.
MPV
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