L'aube fleurie

L'aube fleurie

Journal d'une terrienne / 16/04/2016

16/04/2016

 

 

      Les quinze jours que je viens de passer loin de chez moi, loin des vicissitudes de l'existence, des horreurs provoquées par l'âme humaine, m'ont fait un bien fou. Non pas que je me sois retrouvée aux fins fonds d'une contrée inhabitée, avec la nécessité de me débrouiller par mes propres moyens pour survivre, non, il ne s'agit pas de cela. Simplement, je me suis déconnectée. Non pas de mon cerveau, non pas de la réalité, mais de la télévision, de l'ordinateur, de la tablette, du téléphone... de tous ces appareils de plus en plus sophistiqués, de plus en plus faciles à utiliser, de plus en plus performants, au point que vous pourriez presque capter au beau milieu de la forêt amazonienne. C'est peut-être un peu exagéré, quoi que...

 

      Bref, comme pratiquement chaque fois que je pars en voyage, je me déconnecte. J'emmène mon téléphone, bien sûr, en cas d'urgence, mais je le laisse éteint la plupart du temps, en prenant soin de le consulter régulièrement pour voir si aucun membre de ma famille n'a cherché à me joindre d'urgence. Je n'emmène pas mon ordinateur, ainsi je ne suis pas tentée de l'allumer. La télévision présente sur place ne diffuse que des émissions en langue étrangère que je ne pratique pas, et n'ont ainsi aucune chance de m'intéresser. Je veille quand-même à me tenir au courant de l'actualité, mais d'une manière plus distante, afin que ce que je vois ou entends ne vienne pas perturber trop intensément le bien-être de mon séjour. Ainsi je suis complètement déconnectée et je peux profiter pleinement de l'instant présent. Car je pense que les vacances servent aussi à cela : débrancher. Notre cerveau a besoin de ces périodes de "vide" où ses batteries sont en en quelque sorte en train d'être rechargées.  

 

      Et puis, les personnes qui nous accompagnent ont besoin de toute notre attention, de notre "vraie" présence, comme nous avons besoin de la leur, spécialement lorsqu'il s'agit de nos enfants ou petits-enfants. Ce qui était le cas pour moi ces derniers jours. En quelques heures seulement, les enfants nous apportent une richesse qu'aucun programme de télévision, aucun réseau social n'est capable de nous apporter. Leur naturel, leur spontanéité, leur appréhension simple de la vie, pleine de vérité et de bon sens, leur joie de vivre communicative, leur soif d'apprendre, de partager, d'aimer, sont autant  de pépites d'or qui viennent enrichir notre trésor et nous donner envie de partager, nous aussi. Envie d'être pleinement présent pour eux. Vide de toute autre préoccupation terrestre, positive ou négative, matérialiste ou spirituelle, financière ou altruiste... Juste le plaisir d'apprécier leur présence, tout en partageant avec eux les beautés offertes gratuitement par la nature.

 

      Passez quinze jours à l'étranger ou dans une autre région que la vôtre, avec un enfant curieux d'apprendre la vie, et c'est vous qui en revenez enrichi. Car vous l'avez guidé, aidé, à découvrir par lui-même ces nouveautés qui vont l'enrichir lui-même intellectuellement, spirituellement, et peut-être moralement, mais en même temps, vous avez vous-mêmes mis des mots sur ce que, habituellement vous ne regardez pas vraiment, ou que vous survolez, sans avoir jamais l'idée d'approfondir. Ne vous-êtes vous jamais sentis déstabilisés par un enfant qui vous demande le nom d'une plante qu'il est en train d'observer, ou la signification d'un blason ? Vous réalisez, en toute honnêteté, que vous ne vous êtes jamais posé la question. Alors, exceptionnellement vous prenez votre Smartphone et faites une recherche sur Google pour tenter de trouver la réponse à la question. Bingo ! Vous trouvez. Votre enfant est content d'avoir cette réponse qui lui permet d'enrichir ses connaissances, et vous de même ! Il n'est jamais trop tard pour apprendre. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, cela me réjouit de savoir que l'on n'a jamais fini d'apprendre. 

 

      C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas pourquoi les autorités de notre pays n'apportent pas plus d'attention à cette grande voix de la jeunesse qui s'exprime aujourd'hui. Je ne parle pas des casseurs qui n'ont rien à voir avec la cause que défendent tous ces jeunes en quête d'idéal. La violence n'a jamais rien résolu, ne fait avancer aucune cause, et je la réprouve. Mais la jeunesse d'aujourd'hui a des choses à nous dire. Elle pose de bonnes questions. Elle connaît, d'instinct, les bonnes réponses, mais elle attend de nous, les adultes confirmés censés connaître ces bonnes réponses, de les leur offrir, et surtout, de mettre nos valeurs en adéquation avec les actes que nous posons. Car là est la grande question, celle qui les interpelle et qui fait qu'ils sont de plus en plus nombreux à faire entendre leur voix : mettons-nous, nous, humains du XXIème siècle nos valeurs d'humanité, d'égalité, de fraternité, de liberté, en adéquation avec nos actes ? Force est de constater que dans de nombreux domaines, la réponse est non.

 

      Notamment, je viens d'apprendre que les lobbies des grands industriels responsables de l'empoisonnement de nos sols et de la diffusion de médicaments dangereux pour la santé viennent encore de se faire remarquer, et non à leur avantage : ils veulent maintenant faire voter une loi interdisant aux simples citoyens que nous sommes d'accéder à l'information à laquelle nous avons droit concernant les nouveaux produits qu'ils décideront de mettre sur le marché. Leur principal argument : le respect du secret des affaires. Ce qu'ils oublient, c'est qu'en l'occurrence, il s'agit d'atteinte à l'intégrité des personnes et que dans ce cas, nous avons tout à fait le droit, et même le devoir, nous citoyens lambda, d'exiger des explications précises sur l'utilisation de produits tels que le Rond 'up, dont ils persistent à nier les effets nocifs, alors même que des scientifiques de renommée mondiale viennent d'en pointer les effets mortels.

 

      C'est ce genre d'aberration, entre autres, que nos jeunes ne comprennent pas et dont ils ne veulent plus dans le monde dont ils rêvent. Ce qu'ils veulent, tout simplement, c'est avoir une place dans ce monde, où chacun sera reconnu dans son intégrité, et pourra vivre en paix selon ses principes, qui sont des principes de liberté, de justice et de partage. Ouvrez les yeux, vous qui avez le pouvoir d'agir. Nos jeunes ne veulent rien d'autre qu'un avenir où ils pourront vivre dans la dignité. Cet avenir que vous ne leur offrez pas actuellement. Un avenir qui aujourd'hui est pour eux synonyme de pouvoir autocratique d'un petit nombre au détriment d'une foule indénombrable d'humains obligés de survivre dans la misère.

 

J'entends dire qu'à une époque où l'on doit se battre pour des causes beaucoup plus graves, tout cela ressemble à des caprices d'enfants déconnectés de la réalité. "Ils sont bien gentils, ces petits, mais ils sont encore dans leurs rêves... Ce qu'ils proposent est de la pure utopie." On oublie simplement que c'est ce monde absurde dans lequel ils sont obligés de vivre qui a généré les horreurs de ces derniers temps, où d'autres jeunes (car ce sont là aussi des jeunes) ne trouvent plus d'autre alternative à leur souffrance que celle de sacrifier leur propre vie en sacrifiant celle de milliers d'autres. Est-ce dans ce monde-là que nous souhaitons vivre ? Bien sûr que non. Personne ne peut vouloir vivre ainsi. Alors il serait temps d'écouter vraiment cette voix de la jeunesse, qui, à mes oreilles, résonne comme une solution sérieuse à envisager et non pas du tout comme une utopie. Mais la voix anonyme d'une terrienne anonyme a-t-elle seulement une toute petite chance d'être entendue à l'heure où celle des grands défenseurs de l'empoisonnement général de notre planète résonne comme l'écho du tonnerre que tout le monde craint à tort ? That is the question...

 

Shakespeare aurait dit : "To be or not to be."

 

 

MPV

 



16/04/2016
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