L'aube fleurie

Nous allons, nous venons, portant sur nos épaules

Le sac du voyageur qui rêve de l’ultime,

Nous cherchons la maison, la profession, le rôle

Qui nous rendront meilleurs aux yeux des anonymes.

Et pour qui ? Et pourquoi ? Et pendant ce temps-là…

A l’autre bout du monde, un enfant meurt de faim.

Nous rêvons de voyages, d’autres ports, d’autres îles,

De somptueux bateaux gagnés aux jeux d’argent,

Debout sur un podium, de sourires faciles,

D’un regard bienheureux en photo noir et blanc.

Et pour qui ? Et pourquoi ? Et pendant ce temps-là…

Tout près de nos chimères un homme meurt de froid.

Nous rions des rêveurs qui souffrent pour la terre

Et violons le sacré de leurs chants utopiques,

Leur blé, au champ d’honneur se tient en solitaire,

Pendant que nous dansons au bal psychédélique.

Et pour qui ? Et pourquoi ? Et pendant ce temps-là…

Dans sa ruche trop grande une abeille s’étiole.

Nous pleurons les jadis et les veillées joyeuses

Où les yeux se parlaient, où les rires fusaient,

Où le temps arrêtait ses aiguilles tueuses.

Et nous abandonnons la vie pour la télé.

Et pour qui ? Et pourquoi ? Et pendant ce temps-là…

Tout près de nos regrets, un enfant se suicide.

Nous fuyons le présent et songeons à demain

Où nous ferons ceci, où nous ferons cela,

Et nous restons assis à regarder nos mains

En priant que le ciel affermisse nos pas.

Et pour qui ? Et pourquoi ? Et pendant ce temps-là…

Partout des hommes meurent en creusant le sol sec.

De nos lamentations égoïstes et vaines,

Faisons un chant d’amour pour les hommes et la terre,

Donnons et partageons, sans mépris et sans haine.

Nous recevrons bien plus que de vaines chimères.

Et nous saurons pour qui nous voguons sur les mers,

Et nous saurons pourquoi nous volons dans le vent.

Et nous ne verrons plus les larmes d’une mère

S’écouler tristement sur le front d’un enfant.

MP