Sur les ailes du pardon
« Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font ».
Que nous soyons croyants, agnostiques ou athées, nous avons tous déjà entendu ou lu ces paroles prononcées par le Christ lui-même, lesquelles érigent le pardon - nommé encore miséricorde - en cette vertu cardinale si importante pour une vie harmonieuse. Toutefois, à l’instant de l’appliquer à notre quotidien, lorsque l’offense est trop grande, l’excès trop important, l’abus trop révoltant, avouons que nous avons du mal.
La rancœur est pourtant destructrice, elle nous ronge de l’intérieur. Le pardon, quant à lui, est un cataplasme sur la plaie de l’ulcère. La ran-cœur a l’aigreur morbide d’un cœur inondé de fiel. Le par-don est le don de l’amour inconditionnel qui transcende la révolte, le ressentiment, la colère, la souffrance.
Le pardon offert librement, spontanément, délibérément, induit une sensation immédiate de libération du corps, de l’esprit et du cœur. Il nous positionne d’emblée à cette place privilégiée, auréolée de douceur et de pureté, qui est notre véritable place, celle que nous méritons tous.
Ainsi que le développe très justement André Comte-Sponville dans son « Petit traité des grandes vertus », « il ne s’agit pas d’effacer la faute, de la considérer comme nulle et non avenue, c’est un pouvoir que nous n’avons pas ou une sottise qu’il vaut mieux éviter. Le passé est irrévocable, et toute vérité est éternelle : même Dieu, remarquait Descartes, ne peut faire que ce qui a été fait ne l’ait pas été. Nous ne le pouvons pas davantage et à l’impossible nul n’est tenu. Quant à oublier la faute, ce serait une sottise, presque toujours, et manquer par conséquent à la prudence. Tel de vos amis vous a trahi : serait-il intelligent de lui garder votre confiance ? Tel commerçant vous a volé : est-il immoral d’en changer ? Ce serait se payer de mots que de le prétendre, et afficher une vertu bien aveugle ou bien niaise.
…
Mais simplement, pardonner n’est pas effacer, pardonner n’est pas oublier. Alors qu’est-ce ? C’est cesser de haïr, et telle est la définition, en effet, de la miséricorde : elle est la vertu qui triomphe de la rancune, du désir de vengeance ou de punition. La vertu qui pardonne, donc, non en supprimant la faute ou l’offense, ce qu’on ne peut, mais en cessant d’en vouloir, comme on dit, à celui qui nous a offensé ou nui. »
La rancœur enferme, étouffe, freine, empêche, assombrit le présent.
Le pardon ouvre sur la vie, sur le monde et sur l’autre. Il colore l’univers des nuances généreuses de l’espoir.
Aussi, même quand cela nous semble difficile, très difficile, voire insurmontable, pardonnons. Car c’est la seule voie possible. La seule voie ouverte.
L’amour suffoque, l’amour s’étiole et finira par mourir, sous la chape étouffante et pesante de la rancœur. Avec les ailes du pardon, au contraire, il gravit aisément, avec une angélique légèreté, les marches étoilées sur l’échelle sacrée de la libération de soi.
Le par-don est le don suprême de l’Amour.
MPV
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 173 autres membres