L'aube fleurie

L'aube fleurie

Mamie adages

Atelier de Ghislaine n°229

 

1. Insérer les 6 mots suivants dans un texte :

Destin, crise, silence, parole, charme, femme

2. ou les 6 autres :

Homme, guère, contretemps, peiner, subir, jamais

3. ou 5 mots commençant par V

4. ou 5 adverbes

5. ou ressenti  sur image 

 

J'ai rassemblé les 5 défis en un.

 


 

  Heureuse septuagénaire pleine de vie et plutôt excentrique, Antoinette est surnommée « mamie adages » par tout son voisinage. En effet, elle aime particulièrement s’exprimer à l’aide de maximes, de citations et de proverbes qu’elle sert à toutes les sauces à ses interlocuteurs. Particulièrement ceux qui ont trait la santé et à la forme physique. On a beau respecter le célèbre adage « un esprit sain dans un corps sain », dit-elle souvent, il n’en reste pas moins vrai « qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». On ne sait pas de quoi demain sera fait, alors autant prendre du bon temps aujourd’hui.

 

   Corentin, le plus grincheux de ses voisins, et le plus proche aussi, en a plus qu’assez de l’entendre constamment chanter et danser de l’autre côté du mur mitoyen qui les sépare.  Non pas qu’Antoinette fasse énormément de bruit, car elle se montre toujours très respectueuse d’autrui en veillant de près au bon dosage des décibels, mais quoi qu’il en soit, Corentin l’entend et cela l’énerve. Sans doute est-il un peu jaloux de la savoir si heureuse, pendant que lui se morfond tous les jours dans sa solitude. Au summum de son exaspération, il lui arrive même de taper sur le mur pour qu’elle éteigne sa musique, mais Antoinette n’en a cure. Elle continue à valser, twister, swinguer, virevolter en tous sens en lui faisant entendre les accents joyeux de sa plus belle voix.

 

   N’y tenant plus, et secrètement curieux de savoir ce qui peut bien la rendre aussi heureuse, elle qui vit seule, tout comme lui, Corentin décide de frapper à sa porte pour lui demander d’arrêter de faire du bruit. Antoinette lui répond aussi sec avec un soupçon d’ironie et pas mal de logique : « vous n’avez qu’à enlever votre sonotone, et vous ne m’entendrez plus. Et arrêtez de me casser les pieds avec vos critiques permanentes qui n’ont ni queue ni tête. Je ne suis pas du tout bruyante et vous le savez très bien. « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », ajoute-t-elle. Or, je n’ai pas la rage, par contre, vous…

 

   Sa réponse ne plait évidemment pas du tout à Corentin, qui décide alors de se placer sur son terrain pour lui rétorquer au moyen de deux adages : vous savez, « qui veut aller loin ménage sa monture », et « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ». Ce à quoi Antoinette répond sans se démonter : oui, mais parfois, la cruche n’est pas celle qu’on croît, avant de lui claquer la porte au nez, tout en bougonnant : rohh… « on est toujours sali par plus sale que soi ».

 

   Antoinette a une certaine philosophie de la vie. Bien qu’il ne fasse guère de doute pour elle qu’au fil des années le corps subit inexorablement les ravages du temps, elle croit dur comme fer que le comportement que l’on adopte peut en freiner ou au contraire en précipiter le cours. À cet égard, le destin de l’homme et celui de la femme ne diffèrent pas de ceux des animaux de toutes espèces. Ainsi va la vie, se dit Antoinette avec sagesse. « La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie ». Sournoisement et en silence, le temps fait son travail de sape sur nos os qui s’effritent et nos muscles qui rouillent. Notre charme d’antan a laissé place à celui d’aujourd’hui, « un peu plus ridé qu’hier et bien moins que demain ». « Il a vécu ce que vivent les roses… »

 

   Toutefois, chaque ride a une histoire et dessine un nouveau souvenir sur la peau, laquelle est chaque jour un peu moins satinée et un peu plus burinée, certes, mais vivante, après tout. Ride de tristesse ou ride de joie… Ce qui peut peiner peut faire rire aussi, parfois. Tout dépend de l’humeur, de la vision du moment, des pensées et des paroles liées aux événements. À long terme, une crise peut s’avérer salutaire, un contretemps salvateur, et jamais le mental n’apprend mieux qu'à travers une épreuve.

 

   Cependant, et c’est là que le bât blesse, le corps en subit incontestablement les yoyos dévastateurs. Le chagrin plie l’échine, dessine des cernes et creuse des rides de souffrance. Oui mais… la joie redresse la nuque et le dos, fait pétiller les yeux et crée aussi ses propres dessins : les rides du sourire et des yeux. Alors à tout prendre, autant prendre le parti de la joie. Si « l’avenir appartient aux audacieux », la fin dépend de leur vision d’eux-mêmes et de la vie. Et la mienne est très claire : « je ne suis pas vieille, je suis craquante », qu’on se le dise !  

 

MPV

 



03/12/2023
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