L'aube fleurie

L'aube fleurie

Chimère

 

Piaf rêveur était un moineau ordinaire, sans grande prétention, sinon celle de vivre heureux avec Piaf sentimentale qu'il venait de rencontrer. Il élut domicile dans les branches touffues d'un sapin, pour faire plaisir à l'élue de son coeur, qui aimait leur fine odeur de résine.

Ils vivaient heureux, dans le petit bois près du village. Ils jouissaient du calme apaisant de la nature, tout en étant proches des points de ravitaillement que représentaient les terrasses ou les paliers des maisons, les pelouses fraîchement tondues, et même les mangeoires que les humains amoureux de la nature, installaient gentiment pour eux.

Piaf sentimentale mit au monde six beaux enfants qu'elle couva avec tendresse, pendant que son compagnon sillonnait les sentiers, les jardins et les rues en quête de nourriture. Et puis voilà qu'un jour, au détour d'un sentier, Piaf rêveur cessa immédiatement de bouger, devant la vision magnifique qui lui était offerte comme un cadeau du ciel : une superbe paonne le scrutait avec un regard séducteur qui l'hypnotisa instantanément. Il ne pouvait détacher ses yeux de la jeune oiselle, dont les clignements de cil enjôleurs lui ôtèrent définitivement toute résistance.

La belle traversa tranquillement le sentier devant lui, se pavanant avec ostentation, ondulant sensuellement du croupion. Puis, lançant à notre piaf médusé un regard de dédain, s'éloigna tout aussi calmement, semblant satisfaite de l'effet qu'elle produisait.

Piaf rêveur ne rêva plus que de sa mystérieuse apparition. De toute sa vie il n'avait contemplé une telle splendeur. Il lui semblait avoir rencontré un ange, un ange qui sûrement lui était destiné, puisque la providence l'avait placé sur sa route. Il n'eut de cesse de chercher à la revoir et tous les jours, il reprenait le même chemin, espérant y rencontrer de nouveau sa belle. Il était tellement obnubilé par cette idée, qu'il ne prêta plus aucune attention à sa compagne ni à ses oisillons. Il était à peine de retour au nid qu'il repartait aussitôt, mû par l'obsession de revoir sa « princesse » au magnifique diadème bleu cobalt, indifférent au ressenti de Piaf sentimentale qui lui demandait sans cesse la raison de son attitude de plus en plus distante, et à laquelle il répondait vertement que c'était ses affaires.

Et puis, un beau jour, « Elle » fut là, devant lui, encore plus belle que la première fois. Il sut dans l'instant que là était sa place, auprès d'elle. Il en avait fini avec cette insupportable monotonie du « envol, picorements, nid ». Lui, il voulait du rêve, de la passion, de l'extase ! Alors, quand la Bimbo paonne souleva son aile magnifique en l'invitant du regard, il s'y engouffra, la tête la première, certain qu'il y trouverait son paradis.

Il n'y trouva que la nuit. Car la belle oiseleuse referma son aile aussitôt et s'assit sur l'herbe, le maintenant ainsi prisonnier sous la chaleur de ses plumes. Ces plumes superbes qu'il ne voyait d'ailleurs même plus, puisqu'elles le recouvraient entièrement. Il suffoquait sous cet amas de chair bruissant qui ne tenait sa valeur que par l'effet qu'il produisait. Et puis, Il ne pouvait même plus voir la beauté de la nature qu'il aimait tant.

Il resta ainsi plusieurs jours, prisonnier de la paonne à l'âme de mante religieuse. Alors il regretta la douceur et la chaleur de son nid, où chaque jour, l'attendait impatiemment sa famille. Il se maudit de l'avoir abandonnée pour une chimère.

Alors, une nuit, quand l'attention de sa belle geôlière se fut assoupie, il profita d'une brèche ouverte au milieu de ses plumes, s'y faufila et s'enfuit. Quand il arriva au nid, il le découvrit entièrement vide. Les oisillons devenus grands s'étaient tous envolés et Piaf sentimentale, lassée d'attendre son retour, avait déménagé.

 Martine PV

 

 

 

 

 

 

 

 

 



16/02/2010
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