Eveil
Wampa était une lionne vaillante et intrépide. Rien ne lui faisait peur. Elle avait toujours fait face au danger et s'était toujours défendue férocement contre ses ennemis. Jamais elle n'avait abdiqué, ce qui lui avait valu plus tard, quelques cicatrices indélébiles.
Pourtant, il arriva une période dans la vie de Wampa où elle se serait volontiers immédiatement allongée sur le dos, en signe d'allégeance, à la minute même où elle se serait trouvée en présence d'un dangereux prédateur - si par mégarde elle avait laissé cette dernière hypothèse devenir réalité - : la période bénie de sa maternité.
Car dès la minute où elle devint mère, Wampa laissa de côté sa nature aventureuse et guerrière pour laisser place à son amour maternel. Dès lors, la jeune lionne connut un sentiment qu'elle avait toujours ignoré jusqu'à ce jour : la peur. Oh ce n'était pas pour sa vie qu'elle craignait, mais pour celle de son petit, qu'elle emmenait partout, sauf lorsqu'elle chassait, évitant soigneusement cependant, les parcours dangereux de jadis. Elle tremblait pour lui, chaque fois qu'elle apercevait un danger ou simplement le sentait venir. Alors ses yeux devenaient deux fentes d'où perçaient des rayons fulgurants, des rayons d'or qui irradiaient avec une telle puissance, qu'ils auraient presque pu terrasser dix ennemis. Pour sauver son petit, Wampa aurait tué un éléphant ! Toutefois, se sachant perdue, la lionne digne et courageuse aurait abdiqué toute fierté et se serait soumise et offerte pour sauver son petit.
Dans l'intimité de sa caverne, Wampa n'était guère différente des mères gazelles ou des mères zèbres. Elle léchait son petit avec la même tendresse, le couvait avec autant d'amour. Dans ces moments-là, elle aurait paru parfaitement inoffensive à quiconque aurait pu les observer, son lionceau et elle. Parce que Wampa savait, comme le savent toutes les mères de toutes les races et de tous les pays à propos de leurs petits, que pour bien grandir, un lionceau a autant besoin d'attention et de tendresse que de lait. Alors elle le bichonnait son petit, inlassablement, fièrement, tendrement. Elle le couvait du regard et ne s'arrêtait que pour dormir, après que lui-même se fut endormi. Et puis, le lendemain, au lever du jour, elle l'emmenait à travers la savane, le guidait jusqu'au point d'eau où il pourrait se désaltérer.
Quand il fut en âge de quitter la mamelle, elle l'emmena avec elle à la chasse et lui apprit l'art de guetter une proie puis de la courser et enfin de l'attaquer. En agissant ainsi, elle savait qu'elle offrait à son fils le code et les armes nécessaires à sa vie de lion, tout en étant consciente du fait qu'elle le perdrait un jour, que bientôt il deviendrait une bête adulte, qu'il serait chasseur à son tour et qu'il tracerait son propre sillon à travers la savane. Mais ainsi était la vie : on enfantait, puis on apprenait la vie à ses petits, lesquels devenaient grands, enfantaient à leur tour, et ainsi de suite jusqu'à l'éternité.
Un jour, Wampa se réveilla plus tard que son petit et découvrit qu'il n'était pas à ses côtés. Elle le chercha toute la journée, l'oeil inquiet et malheureux mais avec l'instinct nostalgique que ce moment était tout à fait naturel. Car c'était le moment de l'éveil, l'éveil du petit à la vie, celui qui fait qu'il n'est plus tout à fait un petit mais qu'il a déjà un pied dans sa vie d'adulte, qu'il a déjà fait un pas vers son avenir.
A la tombée de la nuit, Wampa vit son fils revenir, portant fièrement son butin dans sa gueule. Alors son regard s'alluma de nouveau et le couvrit d'une tendresse nouvelle : celle de la mère fière d'avoir fait de son petit un adulte indépendant et libre.
Martine PV
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