L'aube fleurie

L'aube fleurie

Un Noël pas comme les autres (4ème épisode)

                              

 

 

Assise au coin du feu, Jeanne broyait du noir, toute seule au milieu de cette soirée de Noël très particulière, où pour la première fois depuis des années, la famille était éparpillée aux quatre coins de France. Elle pensait plus particulièrement à Thibault qui était seul, lui aussi et qui se remettait tout doucement d'une déception sentimentale. Elle aurait tellement aimé que toute sa famille puisse lui apporter un peu de cette chaleur humaine dont il avait le plus grand besoin en ce moment ! Mais voilà, la neige en avait décidé autrement !  Elle reprit en main l'un des albums photos qu'elle avait commencé à feuilleter, puis laissés  de côté, emportée par ses rêveries. Elle en était arrivée à celui de ses dernières vacances en famille avec Paul. Elle sourit avec tendresse en reconnaissant l'une de ses mimiques familières et cette petite  fossette qui lui donnait un air mutin. Comment pourrait-elle parvenir à oublier un jour cet homme qui l'avait rendue si heureuse ?

Elle fut interrompue dans le cours de ses pensées par le carillon de la porte d'entrée. « Oh non ! Dites-moi que ce n'est pas encore lui ! » Se lamenta-t-elle. Cela ne ferait jamais que la troisième fois que son voisin venait sonner à sa porte, la première fois pour lui demander de la dépanner d'un peu de farine, la deuxième d'un peu de beurre et de sucre. Il ne manquait plus que les œufs et il aurait en main tous les ingrédients nécessaires pour se cuisiner un quatre-quarts ! Il était bien gentil mais un peu pot de colle sur les bords, « relou »comme aurait dit sa petite-fille. Et puis… depuis quelque temps, il était devenu un peu trop familier à son goût, il faudrait qu'elle coupe court à ces habitudes un peu trop régulières de venir frapper à sa porte sous le moindre prétexte.

         Ce fut donc sans aucun enthousiasme qu'elle se dirigea vers la porte d'entrée, mais c'était encore le meilleur moyen de se débarrasser de lui. Elle le connaissait bien maintenant, il insisterait jusqu'à ce qu'elle lui ouvre.  Car, comme il était perpétuellement à l'affut de ses faits et gestes, il savait pertinemment qu'elle n'était pas sortie. Elle ouvrit la porte et là, pendant quelques secondes, resta figée d'étonnement. Puis ses jambes montrèrent quelques signes de faiblesse, tandis que tout se mit à tourner autour d'elle.

-         Paul… finit-elle par souffler d'une voix à peine audible.

Elle n'en croyait pas ses yeux. Paul, son Paul, se tenait là, devant elle, l'air à la fois ému, embarrassé et heureux. Il ne dit rien, lui ouvrit simplement ses deux bras en souriant, de ce beau sourire qu'elle aimait tant. Alors elle retrouva sa vigueur, s'élança aussitôt vers lui et l'agrippa de toutes ses forces, comme pour se prouver à elle-même qu'elle ne rêvait pas. Elle nicha sa tête au creux de son cou. C'était merveilleux de retrouver son odeur, le grain particulier de sa peau…

-         Si on entrait ? murmura-t-il au creux de son oreille, je ne suis pas contre le fait de s'embrasser dans la rue mais c'est qu'il ne fait pas très chaud aujourd'hui !

-         Oui, viens, viens vite, lui répondit-elle simplement.

Elle lui prit la main et l'entraîna avec elle à l'intérieur de la maison.

-         Assieds-toi là que je te regarde, fit-elle en désignant le canapé près de la cheminée. Je n'en reviens pas que tu sois là… Raconte-moi…ajouta-t-elle en prenant place à ses côté et en posant sa tête sur son épaule.

-         Attends un peu chérie, je t'expliquerai tout… plus tard… pour l'instant, s'il te plaît, laisse-moi savourer ces instants, répondit-il doucement, tout en lui prenant la main.

-         Comme tu voudras…

-         C'est un peu triste ici, fit-il en jetant un coup d'œil  circulaire. On n'est pas censé réveillonner aujourd'hui ? Je ne vois aucun sapin, aucune décoration, aucune table garnie.

-         Tu crois que j'avais envie de fêter Noël, seule, sans toi ?

-         Et les enfants ? Où sont-ils ?

-         Nous devions tous nous rejoindre au chalet mais comme tu vois, les conditions météo sont loin d'être bonnes, alors tout le monde est resté chez soi. D'ailleurs… comment savais-tu que j'étais restée ici ? Tu sais bien que nous réveillonnons toujours au chalet.

-         Je n'en savais rien.... mais vu les circonstances, j'espérais justement que tu n'aurais pas pris la route et que je te retrouverais ici.

-         Attends-moi là, je n'en ai pas pour longtemps, fit-elle brusquement en se relevant.

-         Oui, je t'attends, n'aie crainte. Je ne partirai plus, je te le promets.

Quelques minutes plus tard, elle réapparut avec une nappe rouge et or, assiettes, verres et couverts. Elle alluma quelques bougies qu'elle disposa un peu partout dans la pièce,  dressa la table puis s'absenta de nouveau en cuisine et revint avec tout un assortiment de plats dignes de figurer à la table d'un réveillon cinq étoiles. Assis l'un en face de l'autre, leurs mains se caressant avec tendresse, ils passèrent la soirée à se parler avec les yeux. Leurs regards plus amoureux que jamais se dirent toute la douleur de l'absence, et ce grand bonheur des retrouvailles. Les aliments eurent un tout autre goût, la musique que Jeanne avait mise en route laissa échapper un tout autre son, les lumières brillèrent d'un tout autre éclat. Et le lit dispensa la chaleur de mille soleils. Ce fut comme si une fée venait de passer, et d'un coup de baguette magique avait changé tout le décor. Ce fut doux, puissant, unique, magique.

Cette année-là,  le réveillon de Noël eut pour Jeanne et Paul un goût vraiment particulier. Ce fut sans doute le plus beau, le plus heureux de toute leur vie. 

 

A suivre...

 

 

 

 



03/12/2010
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