Une société déshumanisée
Que dire d’une société où des employés se défenestrent sur leur lieu de travail ; où des chômeurs s’immolent devant le Pôle Emploi ; où des ouvriers délaissent leurs familles des semaines entières pour défendre leur usine ; où des jeunes n’entrevoient aucune autre solution que celle du suicide pour échapper à une vie qui ne leur laisse aucune perspective de bonheur, sinon une société démissionnaire qui ne remplit plus son rôle de garant des libertés et du bien-être de ses citoyens ? Et la société c’est nous tous. Alors comment avons-nous pu en arriver là ?
Depuis quelques années, nous avons assisté sans rien faire, parfois simplement démunis, à la déshumanisation de notre société. Quand cela a-t-il commencé, personne n’est vraiment capable de le découvrir et à vrai dire, cela n’a pas beaucoup d’importance. L’important est de chercher à savoir comment enrayer le phénomène.
Un laxisme destructeur, étalé sur plusieurs générations, a fait que des êtres sans scrupule ont pu gagner des sommes colossales, tandis que la majorité silencieuse perdait de plus en plus de pouvoir d’achat, jusqu’à finir par tomber dans la précarité. D’autres personnes peu scrupuleuses et malheureusement détentrices d’un certain pouvoir de décision ont aidé les premières à imposer et à asseoir leurs prérogatives. Au fil des ans, ces araignées venimeuses ont savamment tissé leur toile, de manière à ce que les riches soient encore de plus en plus riches. Parallèlement, les faibles et les opposants qui osaient s’approcher de cette toile, étaient irrémédiablement happés et impitoyablement broyés. Tous ceux et celles qui ont participé de près ou de loin à l’élaboration de la toile, y gagnant beaucoup, peu, parfois même rien du tout, pour les plus stupides d’entre eux, ont travaillé, en même temps, à la désintégration de notre société. Car, quand on laisse ainsi l’argent de l’état disparaître dans les poches de personnages irresponsables et cupides, il s’ensuit très vite que ce même état devient déficitaire. Alors il faut « faire des économies ». Et sur le dos de qui fait-on des économies ? Inutile que je vous donne la réponse, chacun le sait très bien.
Observons aujourd’hui notre société. La réponse est en tout, de tous côtés : dans les délocalisations des grandes entreprises et dans l’explosion du taux de chômage qui en résulte ; dans le manque toujours grandissant de moyens dans les hôpitaux publics, où nous assistons aujourd’hui à ces situations aberrantes où des malades meurent faute de soins ; à l’augmentation toujours croissante de la précarité ; à la crise de l’enseignement ; à l’empoisonnement des populations par la vente de produits alimentaires toxiques ; à l’empoisonnement des sols provoquant la mort des animaux et notamment celle des abeilles qui jouent pourtant un rôle primordial de pollinisation nécessaire à notre survie, et…
La liste n’est évidemment pas exhaustive, il y aurait encore beaucoup d’autres faits nuisibles à citer. Lorsque l’on dresse un bilan aussi négatif de notre société, comment pouvons-nous ensuite rester positifs ? Certes, depuis quelques décennies, les progrès techniques, économiques, médicaux, nous sont apporté énormément de confort, que beaucoup d’habitants d’autres régions du monde, nous ont enviés et nous envient d’ailleurs encore aujourd'hui. Mais à quel prix ? Et la tendance n’est-elle pas en train de s’inverser ? Puisque actuellement, un nombre toujours plus grandissant de personnes sont en train de souffrir de ces progrès plutôt qu’elles n’en jouissent ?
Je n’aimerais pas être à la place de ceux qui prennent les décisions aujourd’hui. C’est un rôle ingrat qui leur est dévolu. Ils doivent faire face à un constat économique déplorable, conséquence de décennies de laisser-aller. Je ne me permettrai pas, à fortiori, de juger, encore moins de conseiller. Pourtant, il me semble qu’en l’occurrence, nous devrions simplement revenir à des actes de bon sens : qu’une entreprise , grande ou petite, qu’elle vende des biscuits ou des voitures, veuille faire des gains de productivité pour accroître ses bénéfices, d’accord (à condition toutefois que cela ne se fasse pas au détriment des travailleurs), mais qu’un hôpital public le fasse, NON ; que Le Pôle Emploi le fasse, NON ; que l’école publique le fasse, NON.
Le rôle de l’hôpital public est de soigner les gens, point. A fortiori parce qu’aujourd’hui, si le nombre de maladies, et de maladies graves augmente, c’est bien parce que l’état a laissé proliférer les causes de ces maladies que sont la pollution de l’air et des sols, l’intoxication par les produits industriels… Or, aujourd’hui, on fait payer deux fois aux gens ces maladies dont ils ne sont aucunement responsables : la première fois lorsqu’ils contractent une affection liée à l’absorption de produits toxiques, et la deuxième fois quand les soins qui leur sont prodigués sont insuffisants ou inexistants, voire les mène à la mort.
Le rôle de l’école est d’enseigner, non de chercher à savoir ce qui est plus ou moins rentable. L’éducation des enfants n’est pas une affaire de productivité, c’est un devoir, et c’est capital pour leur avenir et pour le nôtre. Qui fera la nouvelle société de demain ? Voulons-nous vraiment reproduire celle d’aujourd’hui ou bien asseoir les fondements d’une société plus saine et plus juste ?
Le rôle de Pôle Emploi est-il de punir une deuxième fois toutes les victimes d’une société qui place la productivité au-dessus de l’humain ? Est-il de les humilier, après qu’ils aient subi la pire humiliation qu’un être humain puisse subir, celle de perdre sa place dans la société ?
Il est plus qu’urgent de réhumaniser notre société. Je ne dis pas que c’est facile. Je ne dis pas que c’est le rôle de telle ou telle personne, de tel ou tel groupe. Car la société, c’est nous tous. Nous avons tous un rôle à jouer dans cette prise de conscience. Car une prise de conscience est réellement nécessaire, sans laquelle la situation actuelle ne fera qu’empirer. Réfléchissons un peu, si toutefois nous n’arrivons pas à saisir l’urgence de la situation : ce que subissent actuellement les victimes de la déshumanisation, est-ce vraiment ce que nous voulons pour nos enfants ? Car c’est tout ce qu’ils obtiendront si nous n’agissons pas maintenant.
N’oublions jamais cette réalité importante, que nous avons pourtant tendance à oublier le plus souvent :
Ce sont les hommes qui sont à l’origine de la création des machines du progrès. Ne laissons pas les machines les rendre esclaves avant de les tuer ; Ce sont les hommes qui ont ensemencé la terre et l’ont travaillé, à la sueur de leur front, pour qu’elle produise les fruits qui nous font vivre. Ne laissons pas les pollueurs de tous bords l’empoisonner, empoisonner ceux qui la travaillent, ceux qui en mangent les fruits, ni même ceux qui l’empoisonnent.
Sans les hommes, le progrès n’est plus rien qu’un nuage de cendres qui tombe et disparaît dans les flots de la mer, NE L’OUBLIONS JAMAIS.
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