Solitude
La solitude : une fausse ennemie
La solitude est inhérente à l’être humain. Nous sommes tous seuls. Depuis l’instant où nous quittons le ventre maternel et où, pour la première fois, nous ressentons la séparation et le manque, nous sommes seuls. Puis, chaque fois que nous quittons le sein maternel, chaque fois qu’est rompu le contact peau à peau, nous sommes seuls. Quand nous faisons nos premiers pas, nous sommes seuls, même si nos parents sont là, prêts à nous retenir de tomber. Quand, pour la première fois, nous partons pour l’école, que nous quittons notre environnement familier pour découvrir des visages inconnus, nous sommes seuls. Il en va ainsi à chaque étape de notre vie. Quand on prend la peine d’y réfléchir, on se rend très vite compte que la solitude est l’état naturel, habituel, « normal » de l’être humain. En réalité, ce sont les instants où nous ne sommes pas seuls qui sont exceptionnels, des minutes privilégiées que nous vivons comme de véritables moments de grâce.
Alors pourquoi avons-nous si peur de la solitude ? Pourquoi pensons-nous être les seuls à être seuls ? Pourquoi cela nous rend-il si tristes, si amers, si désespérés parfois ? A mon sens, c’est parce que nous confondons la solitude avec l’absence de connexion. Car si notre état naturel est la solitude, c’est notre connexion aux autres qui la rend vivable. Nous sommes seuls mais nous avons besoin les uns des autres, pour que cette solitude soit force et non faiblesse, bien-être et non mal-être, clarté et non obscurité, sérénité et non angoisse.
La solitude est un état de fait contre lequel on ne peut rien. En revanche, la connexion exige un effort de notre part, un effort conscient et déterminé. Quand on pense souffrir de solitude, on souffre en réalité de l’absence de connexion à l’autre, que celle-ci soit de notre fait, ou émane du choix conscient ou inconscient de cet autre. Parce que cette absence de connexion crée trop d’espace autour de nous. La nature a horreur du vide, l’être humain aussi. Le vide est angoissant. Le vide, c’est cela le sentiment de solitude. C’est au sein du vide que l’on en prend conscience. C’est ce sentiment du vide qui confère à cet état neutre qu’est la solitude sa connotation négative.
Pourtant, c’est en notre état naturel de solitude que réside notre force. C’est en lui que nous pouvons trouver notre liberté intérieure. C’est le lieu privilégié dans lequel nous pouvons grandir, évoluer vers le meilleur. Au contraire, lorsque nous refusons cette solitude, lorsque nous faisons tout ce que nous pouvons pour la faire disparaître, nous tournons le dos à toutes les merveilleuses possibilités qui sont en nous d’apprendre, d’évoluer, de grandir, mais aussi, parfois, de soigner et de guérir en nous l’enfant blessé. A mon sens, c’est seulement en acceptant cet état naturel de solitude, en le recevant, en l’invitant même, que l’on se sent prêt, ensuite, à se connecter aux autres. Alors, nos solitudes diverses et variées, connectées les unes aux autres, ne nous semblent plus ennemies mais deviennent, au contraire, de merveilleuses occasions de rencontres avec soi-même, dans l’union avec les autres.
La connexion n’a pas besoin d’être physique. Elle peut être uniquement intellectuelle. Dans les moments où nous nous sentons forts, c'est-à-dire ces moments où nous nous sentons ancrés en nous-mêmes, nous n’éprouvons pas le besoin vital de contact physique, de communication écrite ou verbale, pour ressentir notre connexion à cet autre, parent, compagnon, ami, lorsqu’il (elle) est éloigné (elle) de nous. Car nous avons la certitude d’être, quoi qu’il arrive, reliés à lui (elle). A l’inverse, quand nous traversons une période difficile de doute, d’interrogation, de remise en question, nous pouvons avoir le sentiment d’être déconnecté de l’autre. D’où la perception de notre solitude qui, dès lors, devient ennemie. Ce n’est pas l’autre qui s’est éloigné, ce n’est pas la connexion qui est rompue, c’est notre propre vision erronée qui nous le fait croire. Les jours où cela arrive, il ne nous reste aucune autre solution que celle de revenir à nous-mêmes, de descendre jusqu’aux tréfonds de cette terre inconnue où nous nous sommes un instant égarés : nous-mêmes embarrassés des spectres du passé. Car, bien souvent, notre mal-être ne vient-il pas de souffrances passées, de conflits anciens non encore résolus ? Faisons alors l’effort de regarder en face ces fantômes, finalement bien inoffensifs aujourd’hui. S’il le faut, parlons-leur, ordonnons-leur de retourner d’où ils viennent : vers ce passé dans lequel nous ne sommes plus. Nous les verrons alors disparaître sous nos yeux. C’est alors que nous serons réellement prêts à vivre l’instant présent, connectés aux autres et à nous-mêmes. C’est alors que nous serons capables de voir en la solitude une précieuse amie.
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