L'aube fleurie

L'aube fleurie

Sagesse et clairvoyance du poète...

Parce qu'on a porte du pain, du linge blanc,

A quelque humble logis sous les combles tremblant

Comme le nid parmi les feuilles inquiètes;

Parce qu'on a jeté ses restes et ses miettes

Au petit enfant maigre, au vieillard palissant.

 

Au pauvre qui contient l'éternel tout-puissant;

Parce qu'on a laisse Dieu manger sous sa table,

On se croit vertueux, on se croit charitable !

On dit: je suis parfait! Louez-moi; me voila !

Et, tout en blâmant Dieu de ceci, de cela,

De ce qu'il pleut, du mal dont on le dit la cause,

Du chaud, du froid, on fait sa propre apothéose.

 

Mais tournez donc vos yeux vers la Mère Nature!

Que sommes-nous, coeurs froids ou l'égoisme bout,

Auprès de la bonté suprême éparse en tout?

Toutes nos actions ne valent pas la rose.

Des que nous avons fait par hasard quelque chose,

Nous nous vantons, hélas! vains souffles qui fuyons!

Dieu donne l'aube au ciel sans compter les rayons,

Et la rose aux fleurs sans mesurer les gouttes;

Nous sommes le néant; nos vertus tiendraient toutes

Dans le creux de la pierre ou vient boire l'oiseau.

 

Cest un rêve de croire

Que nos lueurs d'en bas sont là-haut de la gloire;

Si lumineux qu'il ait paru dans notre horreur,

Si doux qu'il ait éte pour nos coeurs pleins d'erreur,

Quoi qu'il ait fait, celui que sur la Terre on nomme

juste, excellent, pur, sage et grand, là-haut est l'homme,

C'est-à-dire la nuit en présence du jour:

Son amour semble haine auprès du grand amour;

Et toutes ses splendeurs, poussant des cris funèbres,

Disent en voyant Dieu: Nous sommes, les ténèbres!

 

Et d'ou sortez-vous donc, pour croire que vous êtes

Meilleurs que Dieu, qui met les astres sur vos têtes

Et qui vous éblouit, a l'heure du réveil,

De ce prodigieux sourire, le soleil !

 

 

 

 

Victor Hugo



28/08/2012
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