Rien ne se perd
Rien ne se perd
Lorsque la vie nous envoie des épreuves si difficiles que nous avons l’impression d’y avoir perdu un petit bout de notre âme, nous avons parfois tendance à nous replier sur nous-mêmes, à macérer dans nos regrets, voire à nous maudire : pourquoi suis-je allé dans telle direction ? Pourquoi ai-je fait confiance à cette personne ? Je le savais, pourtant, que ce n’était pas le bon chemin ! Je le savais, que cette personne n’était pas quelqu’un de sincère et de loyal. Et nous nous en voulons d’avoir fait le mauvais choix ou de n’avoir pas fait demi-tour en nous apercevant que c’était un mauvais choix. Quand on a une haute idée de la justice et de la dignité, on peut même se montrer très sévère envers soi-même, au point de passer son temps à se maudire.
Ce qui est bien dommage, car en réalité, rien n’est mauvais en soi. Même si l’on tient absolument à qualifier les choses, les événements, les êtres, de « bons » ou de « mauvais », il n’en demeure pas moins que ce qui était « mauvais » hier peut se révéler « bon » aujourd’hui, et inversement.
Ainsi, ce ne sont pas les choix que nous faisons qui sont mauvais, mais bien leurs conséquences. Et même en cela, lorsque les conséquences sont dites « mauvaises », ces dernières peuvent en réalité receler quelque chose de bon. Ainsi, par exemple : le côté positif d’une grave crise familiale est que cela offre à ses différents acteurs l’occasion de crever un ou plusieurs abcès, qui n’auraient pu l’être autrement, et de permettre ainsi à chacun de soigner son propre mal à la racine, afin de pouvoir repartir sur des bases plus saines et plus solides.
Ce sont les effets de nos actions qui se révèlent positifs ou négatifs, et non les choix que nous avons faits en amont. Est-ce à dire pour autant que nous devons laisser libre cours à nos désirs, nos instincts et nos envies personnels, sans aucune maîtrise de nos pulsions et de nos émotions, puisque nos choix sont neutres ? On peut penser ainsi, mais est-ce légitime et cohérent, non seulement vis-à-vis de soi-même mais aussi d’autrui ?
Ainsi, celui ou celle qui consomme régulièrement une substance susceptible de le rendre malade à plus ou moins long terme en subira tôt ou tard les conséquences négatives. Il ne peut en être autrement, c’est la loi de cause à effet. Si cette dépendance le rend violent, il répercutera cette violence sur autrui, que celle-ci soit physique ou verbale, directe ou indirecte. C’est là une autre loi de cause à effet, puisque nous sommes tous interconnectés, et que le bien ou le mal que nous nous faisons à nous-mêmes est ressenti également par les autres, et inversement.
Ce qui compte, ce n’est pas tant la bonne ou la mauvaise option choisie, que la réaction de la personne face aux conséquences de son choix. Quel nouveau choix fera-t-elle, maintenant qu’elle en connaît les conséquences ? Optera-t-elle pour celui qui ramènera l’équilibre, ou pour celui qui accentuera le déséquilibre ?
De nos jours, avec tout ce que nous proposent nos sociétés consuméristes et les facilités de communication qu’offre Internet, il est très facile de tomber dans une dépendance. Car tout est offert à profusion, mais jamais accompagné de la notice d’utilisation ni surtout, des conseils pour éviter les pièges. D’où l’apparition insidieuse de ces addictions qui finissent par nous pourrir la vie.
Ce qui n’est pas fourni non plus, ce sont les moyens financiers permettant d’accéder à cette profusion de biens et de services, ce qui alourdit encore le poids de leurs méfaits pervers. Car, pour pouvoir assouvir ses besoins compulsifs, une personne démunie pourra en arriver à commettre des méfaits ou à porter atteinte à sa propre intégrité physique et morale.
Qu’il s’agisse d’une attirance exagérée pour l’alcool, la drogue, l’alimentation à outrance, l’argent, les possessions, le jeu, le sexe, et même le sport ou la religion, les conséquences sont identiques. Car tout ce qui capture notre esprit sans notre consentement est toxique et peut se manifester plus tard par une dépendance. C’est pourquoi il convient de rester vigilent chaque fois que nous nous sentons attirés vers quelque chose qui nous coupe de notre intériorité.
Ainsi, par exemple lorsqu’une personne prétend vouloir en aider une autre à se sortir de son enfer, quel qu’il soit : si pour cela elle exige d’elle, de manière explicite ou implicite, d’adhérer à ses principes, ses désirs, ses croyances ou à sa religion, cela n’est pas acceptable et contreproductif. La personne aidée ne fera alors que transférer sa dépendance originelle vers une autre. C’est ainsi qu’agissent les gourous pour attirer dans leurs sectes les personnes psychologiquement affaiblies par une dépendance quelconque.
L’on ne peut venir à bout d’une dépendance qu’après en avoir identifié la cause. Tant que l’on ne regarde pas en face ce qui a provoqué en nous cette fuite en avant dans telle ou telle addiction, laquelle, après nous avoir grisés un moment finit par nous rendre malheureux, nous ne pouvons nous en libérer ni repartir à zéro. Ainsi, une personne dépendante d’une autre, au point de ne pouvoir supporter son absence un seul jour, devrait chercher à comprendre pourquoi et d’où peut provenir cette peur compulsive, au lieu de s’accrocher fermement à cet autre avec l’énergie du désespoir, au point de l’étouffer, puis de s’en vouloir pour cette attitude outrancière. Bien souvent, la cause est à rechercher dans une ancienne blessure d’abandon ou de rejet non guérie, qui continue à polluer nos relations présentes. Tant que cette blessure n’a pas été identifiée, étiquetée par notre psyché comme un dommage pour notre intégrité, l’on ne peut guérir de cette dépendance affective inconsciente. Et tant que l’on ne va pas jusqu’à la racine du mal, l’univers continue à nous envoyer des épreuves pour nous obliger à regarder la réalité en face. Pour notre bien.
L’univers agit toujours pour notre bien, pour la réalisation de notre évolution personnelle et de notre plein potentiel. Le chemin est plus ou moins long selon les individus, et selon que l’on accepte d’affronter ses blessures passées ou que l’on préfère les mettre sous le tapis, et fuir dans des réalités illusoires.
Mais même dans ce dernier cas, il ne sert à rien de se culpabiliser et de s’auto saboter. S’il en est ainsi, c’est que l’on n’est pas encore prêt à s’affronter soi-même, avec ses blessures et ses failles. Cela peut demander parfois beaucoup de temps, parfois même toute une vie, à la mesure de la souffrance subie par le passé. À chacun son rythme, son évolution et son moment. Soyons indulgents envers nous-mêmes, et soyons-le aussi envers les autres, qui, comme nous, ont leurs propres blessures à guérir.
En attendant la guérison, essayons de ne pas perdre de vue cette idée qui porte en elle son propre espoir : » rien ne se perd.
(Tiré de la citation du mathématicien et chimiste Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »).
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