Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore
Ma participation aux mardis de la poésie chez Lady Marianne :
Puisque l'aube grandit,
puisque voici l'aurore
Puisque l’aube grandit, puisque voici l’aurore,
Puisque, après m’avoir fui longtemps, l’espoir veut bien
Revoler devers moi qui l’appelle et l’implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,
C’en est fait à présent des funestes pensées,
C’en est fait des mauvais rêves, ah ! c’en est fait
Surtout de l’ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l’esprit sans âme triomphait.
Arrière aussi les poings crispés et la colère
À propos des méchants et des sots rencontrés ;
Arrière la rancune abominable ! Arrière
L’oubli qu’on cherche en des breuvages exécrés !
Car je veux, maintenant qu’un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D’une amour à la fois immortelle et première
De par la grâce, le sourire et la bonté,
Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousse
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;
Oui, je veux marcher droit et calme dans la vie
Vers le but où le sort dirigera mes pas,
Sans violence, sans remords, sans envie :
Ce sera le devoir heureux aux gais combats
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu’elle m’écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d’autre paradis.
Paul Verlaine
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