Les naufragés
Les vagues mugissaient dans un océan de folie. Des bras épuisés réussissaient parfois à émerger, implorant du secours. Un capitaine au long cours qui passait par là, la cale de son navire chargée d'or et de pierres précieuses, méprisant les appels de ses hommes qui lui montraient du doigt les naufragés, leur ordonna :
- Souquez ! Nous n'avons pas le temps, nous devons livrer notre cargaison à l'heure dite, si nous voulons devenir riches. Avec un peu de courage et de patience, ces malheureux finiront bien par échapper aux flots. S'il en meurt quelques-uns, c'est bien triste, mais nous, nous aurons livré notre cargaison qui profitera à beaucoup d'autres.
Convaincus par le discours de leur capitaine, les marins se turent, bouchèrent leurs oreilles et fermèrent leurs yeux, pour ne plus entendre ni voir la détresse faite chair. Ils s'apprêtaient à retourner à leurs occupations quand un homme au coeur d'homme, les yeux bien ouverts, le regard brillant de tristesse et d'indignation, s'écarta du groupe, grimpa à la hune et appela l'attention des marins.
Dans son regard de détresse, j'entrevis de l'espoir pour les naufragés.
Il leva son bras, poing serré, et s'adressant d'une voix forte à ses compagnons de route, il leur dit simplement, des larmes plein les yeux :
- Nous ne pouvons pas laisser faire ça ! Réveillons-nous ! Révoltons-nous ! Hissons ces hommes à bord !
Dans la splendeur de son poing levé, j'entrevis le possible sauvetage des naufragés.
Mais les yeux du capitaine, quant à eux, ne brillaient que par l'appât du gain et les tenaient tous par la « carotte ». L'équipage resta muet, les bras ballants, se lamentant à peine. Le navire s'éloigna des malheureux.
Le remord d'avoir abandonné des êtres humains à une fin horrible, les hanta pourtant à chaque instant. Ils ne parvenaient plus à se concentrer sur leur tâche. Ils négligeaient leurs devoirs, commettaient des erreurs monumentales, dont la dernière fut fatale : le navire échoua et tout l'équipage périt, emporté par les courants marins, tandis que la cargaison s'enfonçait tout au fond de l'océan.
Souhaitons une meilleure fin au vaisseau « Terre », à son équipage et à tous les naufragés de la crise ! Nécoutons plus les discours alambiqués de ces technocrates férocement « pragmatiques » qui, pour nous convaincre de leur sagesse, de leur savoir-faire et de leur bonne foi, alignent froidement des chiffres, leurs yeux brillants de cupidité, sans s'émouvoir un seul instant pour toutes les victimes de la tempête. Calmement, ils nous démontrent, sans le moindre trémolo dans la voix, que toute avancée technologique saccompagne forcément de « nuisances humaines » et que le bien de lhumanité dans son ensemble nécessite le sacrifice de quelques-uns.
Désolée Messieurs les savants du profit, mais moi je préfère me fier à des paroles de sagesse telles que celles-ci :
« Sans solidarité, performances ni durables ni honorables. » François Proust
« La solidarité des hommes est le corollaire invincible de la solidarité des univers." Victor Hugo
« Chacun est seul responsable de tous. » Antoine de St Exupéry
« Ce qui nest pas utile à la ruche ne l'est pas non plus à labeille ». Marc Aurèle
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 173 autres membres