L'aube fleurie

L'aube fleurie

Le vacarme et le bruit

   

 

    Un monsieur très âgé répondait toujours avec patience et gentillesse aux nombreuses questions de son petit-fils très curieux. Un jour où ils étaient tous deux en train de se promener à travers champs, l'enfant demanda à son grand-père :

–  Dis, papy, quelle est la différence entre le bruit et le vacarme ?

 

Le monsieur répondit avec un sourire, tout en posant affectueusement son bras autour des épaules de son petit-fils :

– Le vacarme, c'est un énorme bruit, un peu comme le sifflement d'un oiseau. Le bruit, c'est ce que tu entends quand la guerre fait rage.

 

 L'enfant éclata de rire.

 

– Tu t'es trompé, papy. Si le vacarme est un énorme bruit, c'est celui de la guerre, pas celui de l'oiseau. Tu as inversé les deux.

– Mais non, pas du tout. Je ne me suis pas trompé. Laisse-moi t'expliquer, mon petit :

Lorsque des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières sont sous le feu des bombes toute la journée, dans un vacarme épouvantable et terrifiant, quand ils se bouchent les oreilles des deux mains pour ne plus l'entendre, sais-tu ce que le sifflement d'un oiseau provoque en eux ? C'est le seul son qui atteindra leur âme. Car c'est le son du bonheur, de l'envol vers la liberté, de l'amour chanté. Alors, pour un instant béni, ce petit bruit mélodieux couvre entièrement le vacarme des bombes.

 

L'enfant écoutait en silence. Il entendait bien percer l'émotion dans la voix de son grand-père, lequel reprit très vite la parole :

 

– Bien entendu, dans la vie courante, ce que je t'ai dit est faux : le sifflement d'un oiseau n'est, bien sûr, qu'un petit bruit, par rapport au vacarme de la guerre. Mais vois-tu, aujourd'hui, j'ai vu des images terribles à la télévision. J'ai vu des rues dévastées et des familles en pleurs, perdues, désemparées. Et je me suis senti très triste. Une seconde après, j'ai entendu un oiseau chanter derrière ma fenêtre. Et ce sifflement joyeux et léger m'a immédiatement soulagé de ce poids énorme qui venait tout juste de s'abattre sur mes épaules. Alors, imagine un peu l'effet qu'il peut faire là-bas, dans le cœur de ceux qui souffrent. Les sifflements d'un oiseau, pour eux, ce sont nos pensées, nos prières volant vers eux. Nous ne pouvons pas faire grand chose d'autre, mais ça, c'est à notre portée. Mon enfant, au cours de ta vie, ne cesse jamais de chanter l'amour et la liberté. Tu seras toujours pour quelqu'un cet oiseau qui chante dans la nuit. Et puis... qui sait si ton chant ne les accompagnera pas jusqu'aux étoiles ?   

 

L'enfant prit la main de son grand-père et la serra très fort, comme pour mieux contenir sa propre émotion. Tout le long du chemin, le sifflement d'un oiseau les accompagna.

 

 

Martine PV

 

 

 



23/12/2016
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