L'aube fleurie

L'aube fleurie

Le secret

Défi d’Evy n° 305 : le secret

Mots à insérer :

 

Victime interprétation expérience marcher avancer

ressentir pression rebrousser occulté sentier

 

 

 

 Tout au bout du sentier où j’aimais m’aventurer, trônait une maison. Elle n’était pas très grande, et pourtant elle en imposait. Cernée de hauts sapins touffus qui posaient ici et là des ombres inquiétantes sur son toit de chaume, elle semblait régner sur les lieux comme un roi cruel sur ses sujets. Sombre. Austère. Maléfique. Et ce ne sont pas là que des mots.

 

   La première fois que je la vis, je ressentis vraiment tout cela. Au fur et à mesure que j’avançais dans sa direction, j’avais la sensation étrange qu’elle m’appelait. C’est tout juste si je ne pouvais pas voir deux longs bras surgir de ses pierres pour m’attraper et m’attirer vers elle, comme si ses ondes malfaisantes étaient en train de s’incarner. Mais celles-ci n’avaient rien de positif, bien au contraire. J’en eus la chair de poule.

 

   Ses fenêtres m’apparurent comme des yeux féroces en train de me scruter méchamment. Je sentais réellement son regard me fouiller de haut en bas. J’en ressentis une forte pression dans la poitrine et dans le crâne, au point que j’eus immédiatement envie de rebrousser chemin. Pourtant, je n’en fis rien. C’est comme si c’était plus fort que moi, mes jambes ne me répondaient plus. Il fallait que je marche encore vers elle, que je sache pourquoi je ressentais tout cela. Quel secret cette demeure austère voulait-elle me faire partager ? Car ce fut ainsi que j’interprétai cette expérience, à l’instant du choix d’avancer ou de reculer : cette maison, néfaste selon toute apparence, m’attirait vers elle pour je ne savais quelle raison, mais dans de mauvaises intentions. Cependant, j’occultai cette pensée, en me moquant de moi-même, me convainquant que j’étais victime de mon imagination.

 

   J’avançai encore, sûre de moi. Je n’étais pas quelqu’un de peureux, que pouvaient bien me faire des pierres sans vie ? Et puis… étrangement, les arbres qui entouraient la maison semblaient vouloir me rassurer. Ils me parlaient d’une voix apaisante. « Ne crains rien, me disaient-ils à travers le bruissement de leur feuillage, nous allons te protéger. Mais, chut…ceci sera notre secret. »

 

 

   Vous pensez que ce je viens d’écrire n’est qu’un récit fictif inventé pour les besoins du nouveau défi de notre amie Evy ? Eh bien, pour une infime partie du récit, ceci est exact.

 

   Pourtant, j’ai déjà vécu une telle rencontre avec une maison. Je dis bien « rencontre », car l’habitation en question, qui ressemblait à un manoir de petite taille, semblait réellement vivante et désireuse de communiquer avec moi, aussi invraisemblable que cela puisse vous paraître. Cette première rencontre, dans les faits, ne s’est pas passée de la façon dont je le décris ci-dessus, car ce n’est pas moi qui avais choisi cette maison cette année-là, dans le cadre d’un déménagement pour cause professionnelle. Mais j’ai ressenti exactement tout ce que je décris plus haut, dès la première fois où je l’ai vue. Ce jour-là, j’aurais dû dire « non, je refuse d’habiter ici », dès les premières secondes où j’ai ressenti ce que j’ai ressenti, mais mon esprit logique a aussitôt repris la main. Ma famille et moi avons donc emménagé en ces lieux, et je peux dire que j’ai vécu là les trois pires années de toute mon existence, car outre ce sentiment étrange et permanent que je ressentais de n’être pas la bienvenue dans cette demeure, les malheurs se sont accumulés contre nous, jusqu’à ce que je tombe gravement malade, raison pour laquelle nous avons fini par quitter les lieux. Après quoi tout est rentré dans l’ordre dans notre vie.

 

   L’univers nous envoie parfois des signes, et tant que nous ne les voyons pas, ne les comprenons pas, il insiste. Parfois même il n’y va pas de main morte, il met le paquet. C’est ce qu’il s’est passé pour moi dès le premier jour où j’ai découvert cette maison, mais à cette époque, j’avais perdu la foi et ma profonde connexion spirituelle avec le divin. Je ne voyais donc plus les signes, parce que je ne prêtais attention qu’à tout ce qui était concret dans ma vie, ce que je pouvais observer dans la matière, ce qui était palpable. Et pourtant, mon ressenti devant cette maison, certes très belle, mais inexplicablement repoussante à mes yeux, était des plus évident. Les réactions de mon corps aussi. Une voix me criait de faire demi-tour, de ne pas mettre un pied en cet endroit. Mais je ne l’ai pas écoutée, j’ai encore moins parlé de mon ressenti, que j’ai gardé pour moi. Je n’ai cessé ensuite de m’en mordre les doigts.

 

   Avec le recul des choses, quand je repense à tout cela aujourd’hui, je me dis que finalement, je devais passer par toutes ces épreuves, car il me fallait me retrouver. C’est à travers elles que j’ai pu réaffirmer ma foi et exercer mon courage. J’ai vécu les trois pires années de ma vie, mais aussi les plus révélatrices et les plus formatrices. Disons que j’ai gravi cent marches à la fois, alors que j’aurais mis beaucoup plus de temps si j’avais vécu ces trois années-là ailleurs, dans la tranquillité d’esprit et de cœur.

 

 Quels sont ces chemins, ces maisons dont les secrets nous attirent irrésistiblement ? Valent-ils vraiment la peine que nous bravions les avertissements que nous recevons de ne pas y aller ? Valent-ils vraiment la peine que nous endurions toutes ces souffrances ?

 

    Là est la question.

 

MPV

 



21/02/2021
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