"La mode du suicide"
« Le suicide est à la mode ces temps-ci », a répondu l'homme jugé en grande partie responsable de la vague de suicides à France Telecom, au journaliste qui l'interviewait. Cette phrase révoltante est-elle celle d'un homme au cynisme outrancier ? Peut-être pas. Peut-être cet homme n'est-il en réalité qu'une victime, lui aussi, une victime parmi tant d'autres de la manipulation mentale la plus sournoise et la plus dangereuse qui soit, parce qu'elle s'est exercée pendant des années, sans que personne ne s'en aperçoive : celle des grands managers de nos grandes entreprise européennes, et particulièrement de nos entreprises françaises, qui pour accomplir leur mission, utilisent des méthodes de management contraires à la dignité humaine.
Sous prétexte de sauver l'entreprise (qui par ailleurs n'est même, parfois, pas du tout en danger), toutes les méthodes sont bonnes, même au prix de l'humain. Il faut produire, produire et produire encore. Pour cela, tant pis s'il faut dégraisser de manière brutale et manager ceux qui ont la « chance » de rester par le harcèlement. Gare à ces derniers s'ils n'obéissent pas au doigt et à l'œil, ils pourraient bien faire partie de la prochaine charrette !
Dans certaines entreprises, ce harcèlement est même prôné en tant que méthode efficace visant à instiller la peur des représailles, afin que les salariés mettent les bouchées doubles (de quoi alimenter la graisse à dégraisser ensuite) et produisent plus. Conséquence : un état de stress permanent dans le travail avec le sentiment déprimant de sentir, au quotidien, une épée de Damoclès flotter au-dessus de sa tête : « si je ne remplis pas les devoirs qui me sont imposés, vais-je perdre la confiance ou l'estime de ma hiérarchie, mes responsabilités ? Mon salaire va-t-il baisser ? Vais-je perdre mon emploi ? »
Un travailleur (qu'il soit salarié ou fonctionnaire), victime de stress ou de harcèlement moral sur son lieu de travail, est en souffrance, une souffrance souvent cachée et non identifiée. Tous les soirs, il rentre chez lui, retrouver sa famille ou sa solitude, habitée par cette souffrance. Il est si absorbé par elle, si solidement emprisonné par ses tentacules puissants, qu'il ne peut penser à rien d'autre, ni vivre autre chose. Il en vient à négliger ses proches, qui le lui reprochent bien souvent, d'où un double stress accompagné d'un sentiment d'incompréhension qui l'isole encore plus.
S'il avait une vie sociale active, par le biais d'une association sportive ou autre, il finit par la négliger elle aussi, voire même par s'en désintéresser totalement, parce que le stress qu'il vit au quotidien absorbe toute son énergie et qu'il ne lui en reste plus aucune pour les activités précisément anti-stress. Il vit par conséquent dans un état de mal-être permanent, s'isole toujours plus et se retrouve un beau jour absolument seul pour gérer une situation qu'il estime sans issue.
Voilà comment on peut en arriver un jour à ne plus entrevoir d'autre terme à son mal-être que la mort. Voilà pourquoi des êtres humains peuvent en arriver à se suicider.
Messieurs les managers à qui l'on veut faire croire qu'il est nécessaire de sacrifier l'humain sur l'autel de la productivité, en invoquant hypocritement pour cela la sauvegarde des travailleurs par la sauvegarde de l'entreprise, reprenez vos esprits, retrouvez cette humanité que pour un temps vous avez égaré, pratiquez la résistance. Vous y perdrez peut-être un peu d'argent mais vous y retrouverez une âme.
Martine PV
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