L'aube fleurie

L'aube fleurie

L'homme de la rivière

 

L’homme de la rivière

 

  C’était un petit coin de rêve où Charles aimait se réfugier. Quand il avait le cœur chagrin, il y venait pour panser ses plaies, tantôt les plus anciennes, aux cicatrices profondes qui le faisaient encore souffrir, tantôt les plus récentes, qui le brûlaient jusqu’à l’âme quand elles venaient réveiller les meurtrissures d’hier.

  Les rares fois où il avait le cœur joyeux, il venait là également, pour y exulter en secret. Charles avait le bonheur solitaire.

  Cette rivière enchantée le comprenait si bien ! C’était elle qui le comprenait le mieux. Il lui semblait qu’elle chantait avec lui, qu’elle dansait avec lui, qu’elle pleurait avec lui, aussi, parfois. Quant aux arbres courbés au-dessus d’elle, ils semblaient adresser une prière au ciel, afin que ses vœux les plus chers soient exaucés. Du moins était-ce là ce qu’il voulait croire, et ce qui lui procurait le plus grand bien.

 

  Charles n’avait pas eu une vie facile. Depuis son plus jeune âge, il s’était réfugié dans ses rêves pour tenter d’échapper un peu à ses souffrances. Puis, un jour il avait découvert cet endroit merveilleux, dont le calme et la sérénité envahissaient immédiatement tout son être, dès qu’il le contemplait de son regard d’esthète. L’eau claire qui clapotait musicalement entre les pierres l’emmenait avec elle le long des berges verdoyantes, tandis qu’il en admirait paisiblement les méandres harmonieux, adossé au tronc d’un saule. En la chaleur de l’été, tempérée par l’ombre bienfaisante des branchages touffus, il se laissait flotter au gré des eaux tranquilles, et il se sentait bien, si bien !

  Certains des villageois qui l’apercevaient de temps à autre, toujours seul en ce lieu bucolique où il pouvait parfois rester des heures entières, le nommaient quand ils parlaient de lui : « l’enfant de la rivière ».

  Puis il devint « le jeune homme de la rivière ».

  Aujourd’hui, on l’appelle « l’homme de la rivière », avec beaucoup de respect et de révérence envers ce châtelain aisé qui, quoi qu’on en pense, ne vécut jamais une vie de château, mais qui, avec courage et détermination, sans jamais se plaindre, parvint à vaincre sa souffrance et sa solitude dans le lit douillet d’une rivière. 

 

 



30/06/2022
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