L'aube fleurie

L'aube fleurie

Interdépendance

   Nous sommes tous des âmes faibles et nous sommes tous des âmes fortes.

 

   N’avons-nous pas tous été confrontés, au moins une fois dans notre vie, à des événements si marquants qu’ils ont monopolisé notre attention et suscité en nous le désir spontané d’offrir gratuitement nos conseils, que ces faits nous soient parfaitement étrangers ou qu’ils nous touchent de près ? Dans ces moments-là, nous nous sommes sentis forts, sûrs de nous et détenteurs d’une certaine vérité. Dans notre désir profond de soulager ces êtres inquiets et démunis devant les circonstances, qui, ouvertement ou implicitement, nous appelaient à l’aide, nous avons eu la fermeté et l’audace de les conseiller selon notre propre vérité, laquelle nous semblait alors être la plus adaptée aux circonstances. Nous nous sommes considérés comme étant détenteurs d’un savoir salvateur.

 

   Et puis, à d’autres moments, nous nous sommes sentis absolument dépassés par les événements, à notre tour complètement démunis et impuissants, et avons souhaité, plus que tout, rencontrer quelqu’un qui, enfin, nous comprenne, et nous offre le code secret qui permet de retrouver la sérénité.

 

   Quelqu’un m’a dit un jour, sur un ton formel qui ne laissait subsister aucun doute : « Tu es forte. » Le motif de cette affirmation à mon égard était qu’après avoir vécu quelques événements traumatisants, suivis d’une maladie grave, j’étais encore là, debout, et capable d’affronter d’autres crises avec un calme olympien et une détermination sans faille. Si cette même personne m’avait vue quelque temps plus tard, en proie au désespoir le plus profond parce que l’un de mes parents proches était en grand danger et que je me sentais impuissant à l’aider ! Si elle savait mes doutes et mes interrogations lorsque, juste après avoir réconforté une amie dans la souffrance, je m’interroge, envahie soudain par la mésestime de moi-même : suis-je habilitée à lui prodiguer mes conseils pour se sortir de sa déprime, moi qui échoue parfois à repousser la mienne ?

 

   Et pourtant, cette même amie m’a dit un jour, quand elle se trouvait au plus profond de son désarroi : « Ta présence et tes paroles me font beaucoup de bien. » J’ignorais, jusqu’à ce jour, posséder un tel pouvoir et j’avoue que j’en doute encore, bien souvent. Cependant, je suis obligée de constater, puisque cette amie ressent les choses de cette façon, que je suis effectivement capable de rassurer et de réconforter, moi qui, à d’autres moments, ai tant besoin d’aide et de réconfort.

 

   Je pense que c’est cette dualité qu’il nous faut admettre et accepter pour réussir à vivre en paix avec soi-même et avec les autres. Admettre que l’on ne peut connaître le chaud sans connaître le froid, savoir ce qu’est la clarté sans savoir ce qu’est l’obscurité, comprendre la notion de grandeur d’âme, si l’on n’a jamais, peu ou prou, flirté avec la petitesse, découvrir ce qu’est la sérénité si l’on n’a jamais expérimenté l’inquiétude, aider quelqu’un dans la souffrance si l’on ne sait ce que c’est que souffrir.

 

   Puis, lorsque nous avons a admis et accepté cette omniprésente dualité, je pense que le secret du bien-être est la reconnaissance de soi et de l’autre, puis la confiance en soi et en l’autre. Admettre avec humilité que nous avons besoin de l’autre comme l’autre a besoin de nous ; que nous pouvons apporter à l’autre comme l’autre peut nous apporter beaucoup ; que nous sommes interdépendants ; que c’est de cette relation, qui n’est plus ni moins que ce que nous nommons « Amour », que peuvent naître en nous, puis couver et grandir à jamais les premiers rudiments du bonheur.

 

   Je sais que la vie est une succession d’événements joyeux et d’épreuves douloureuses et que le secret de la sérénité se trouve dans l’attitude à adopter en chaque circonstance. Pourtant, il y a en moi la fragilité du roseau agité par le vent, un roseau qui ploie et ne rompt pas, mais qui peut cependant, au fur et à mesure des rafales furieuses, soit perdre un peu de son énergie vitale, soit résister et acquérir de plus en plus de force.

 

   Je pense que les mots peuvent nous aider à acquérir cette force. Les mots nous rendent plus forts, quand ils se laissent lire et interpréter mais aussi quand nous allons les chercher au plus profond de notre inconscient et que nous les utilisons pour décrire des idées, lesquelles deviennent ensuite des actes, ces actes qui disent notre moi profond et nous déterminent.

 

   Je crois en la puissance des mots. Je crois qu’au fur et à mesure que nous les utilisons et suivant leur fréquence, ils acquièrent une force extraordinaire, voir redoutable, selon qu’ils ont pour nous une connotation positive ou négative. Comme l’a écrit si simplement et si intelligemment Boris Vian : « Je me demande si je ne suis pas en train de jouer avec les mots. Et si les mots étaient faits pour ça ? »

 

M



26/01/2014
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