L'aube fleurie

L'aube fleurie

Chanson à boire

 Ma participation au mardi poésie proposé par Lady Marianne.

Thème de ce jour : les vendanges

 

Chanson à boire

 

Allons aux vendanges,

Les raisons sont bons. 

Chanson.

 

De ce vieux vin que je révère

Cherchez un flacon dans ce coin.

Çà, qu’on le débouche avec soin,

Et qu’on emplisse mon grand verre.

 

Chantons Io Paean !

 

Le Léthé des soucis moroses

Sous son beau cristal est enclos,

Et dans son cœur je veux à flots

Boire du soleil et des roses.

La treille a ployé tout le long des murs,

Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

Jusqu’en la moindre gouttelette,

La fraîche haleine de ce vin

Exhale un parfum plus divin

Qu’une touffe de violette,

 

Chantons Io Paean !

 

Et, dessus la lèvre endormie

Des pâles et tristes songeurs,

Met de plus ardentes rougeurs

Que n’en a le sein de ma mie.

La treille a ployé tout le long des murs,

Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

A mes yeux, en nappes fleuries

Dansantes sous le ciel en feu,

L’air se teint de rose et de bleu

Comme au théâtre des féeries ;

 

Chantons Io Paean !

 

Je vois un cortège fantasque,

Suivi de cors et de hautbois,

Tourbillonner, et joindre aux voix

La flûte et les tambours de basque !

La treille a ployé tout le long des murs,

Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

C’est Galatée ou Vénus même

Qui, dans l’éclat du flot profond,

Se joue et me sourit au fond

De mon grand verre de Bohême.

 

Chantons Io Paean !

 

Cette autre Cypris, plus galante,

Naît du nectar si bien chanté,

Et laisse voir sa nudité

Sous une pourpre étincelante.

La treille a ployé tout le long des murs,

Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

Plus d’amante froide ou traîtresse,

Plus de poëtes envieux !

Dans ce grand verre de vin vieux

Pleure une immortelle maîtresse,

 

Chantons Io Paean !

 

Et, comme un ballet magnifique,

Je vois, dans le flacon vermeil,

Couleur de lune et de soleil,

Des rhythmes danser en musique !

La treille a ployé tout le long des murs,

Allez, vendangeurs, les raisins sont mûrs !

 

Septembre 1844.

Théodore de Banville, Les Stalactites, 1846

 



19/09/2017
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