Les couleurs de l'amour
La princesse du ciel avait le cœur chagrin.
Son royaume était nu, et son cœur tout autant.
L’âme en peine au soleil, dans les fleurs du matin,
Elle sondait les nues, méditant et priant.
Elle avait tant donné des couleurs de son cœur
À cet autre adoré qui ne comprenait pas,
Qu’un jour avait fané la rose du bonheur
Qu’on voyait miroiter dans ses yeux pleins d’éclat.
De son âme à son âme, elle avait dessiné
Les bleus de l’océan et les ors de l’automne,
Le rouge qui se pâme en les feux de l’été,
Tous les verts du printemps quand au vent ils se donnent.
L’arc-en-ciel de la vie en son âme inspirée,
Brillait depuis longtemps pour son précieux élu,
Mais son esprit à lui était emprisonné
Dans l’ombre d’un présent fait d‘illusions perdues.
Le rouge devint rose et le bleu s’estompa.
Le jaune s’en mêla, le vert le rejoignit.
Eût-il fallu qu’il ose, orange se pointa.
Indigo arriva, du fier violet suivi.
Mais au lieu de briller d’une belle lumière
De leurs tons éclatants utiles à l’harmonie,
Par l’amour délaissées, les couleurs s’estompèrent,
Puis fuirent en se mêlant, doucement, sans un bruit.
L’arc-en-ciel blanc naquit, et le ciel s’entrouvrit
Sur un autre possible et un autre horizon.
Et pourtant elle prie toujours qu’un jour la vie
Lui offre l’impossible en retour des saisons,
Où leurs cœurs s'épousaient sous le ciel du bonheur,
Où leurs yeux d’océan s’échangeaient mêmes flots,
Où leurs âmes tremblaient d’une semblable ardeur
Qui fait dire en rêvant : mon Dieu, qu’est-ce que c’est beau !
Il en est de l’amour, hélas, c’est bien réel,
Comme de ces couleurs, délavées au soleil
Quand on oublie un jour d’en arroser les ailes :
Il en perd sa saveur et sa douceur de miel.
Faut-il abandonner quand le temps est venu ?
Ou bien se souvenir, reprendre sa palette,
Les couleurs disposer en un cercle ingénu
Patienter et sourire en attendant la fête ?
L’amour peut-il renaître, à nouveau s’envoler
Comme si jamais rien ne l’avait entravé ?
Qu’en est-il de son être au cœur de l’être aimé ?
Qu’en est-il de ces liens que l’on dit destinés ?
La princesse du ciel se souvint tout à coup
De ce radieux printemps où elle apprit un jour
Que l’amour est le miel d’une vie plein d’à-coups,
Si et seulement si on respecte son cours.
Alors elle sourit en scrutant l’horizon,
Car elle, en vénérait l’inénarrable cours,
Et en la sombre nuit de son cœur sans maison
Son âme scintillait des feux d’un nouveau jour.
MPV
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