L'aube fleurie

L'aube fleurie

Alexis et le loup / épisode 5

 

 

 

 

     Une heure plus tard, ils étaient tous attablés non loin de la cheminée, en train de déguster une délicieuse crêpe.

 

-          Alors, on n’est pas bien comme ça ? Demanda Alexis avec bonne humeur.

 

-          Oh si ! fit Elodie, l’aînée des trois enfants, c’est trop top ici !

 

-          C’est trop bon ! s’exclama Matthéo, le cadet.

 

-          C’est la première fois que je mange à côté d’un loup ! s’amusa Léna.


 

Alexis et Mathilde échangèrent un sourire complice.


 

-          Papy aurait bien aimé être ici, s’exprima tout naturellement Elodie.

 

A ce moment-là, Alexis vit le sourire de Mathilde disparaître de son visage. Elle choisit pourtant de ne rien laisser paraître de son chagrin et répondit tendrement à sa petite-fille :

 

-          Tu as raison Elodie, ton papy  aurait beaucoup aimé cet endroit…

 

Voyant qu’une ombre de tristesse était en train de descendre sur eux tous, Alexis fit une proposition :

 

-          Et maintenant, si votre mamie vous racontait l’histoire de Cœur-de-lotus, le loup solitaire, pendant que je vous joue un morceau à la guitare ? Qu’est-ce que vous en dîtes ?

 

-          Oh oui ! s’enthousiasma Matthéo, j’aime bien les histoires de loup !

 

-          C’est une bonne idée, d’accord, répondit Mathilde. Pour une fois qu’ils ne resteront pas scotchés devant la télé, ajouta-t-elle avec un clin d’œil complice à l’adresse d’Alexis.


 

Alexis se leva, se dirigea vers une commode, en ouvrit le tiroir du haut, et en sortit un cahier qu’il tendit à Mathilde. Un peu surprise, Mathilde découvrit un livret écrit à la main et illustré d’une magnifique image. Sans faire aucun commentaire, elle réunit ses trois petits-enfants autour d’elle près de la cheminée, tandis qu’Alexis prenait sa guitare. Dès qu’elle entendit les premières notes de musique, elle commença le récit :

 

 

 

« Il était une fois un loup original. Il s’appelait Cœur-de-lotus. On le trouvait bizarre, on le disait marginal. Il faut dire que c’était vraiment un loup peu ordinaire. Il n’aimait pas courir en meute, il privilégiait les longues balades solitaires ; il ne hurlait pas à la lune, il préférait admirer les fleurs des champs et les étoiles du ciel ; il ne se nourrissait pas de chair animale mais de feuilles et d’herbe. C’était un loup comme on n’en avait jamais vu. Aussi les autres loups évitaient-ils soigneusement sa compagnie, comme si sa manière de vivre particulière était contagieuse…


 

A la lecture de ces mots, Mathilde releva la tête en direction d’Alexis et comprit à son regard que ce récit avait été écrit par lui et sans doute, parlait de lui.


 

… Un jour, au détour d’un sentier, alors qu’il déambulait seul à travers la forêt comme à son habitude, Cœur-de-lotus vit un louveteau étendu dans la neige, le flanc gauche tout taché de son sang. Il s’en approcha doucement et le regard rempli de compassion pour ce petit animal blessé, il se mit à lécher ses plaies avec précaution.  C’est alors que la meute de ses semblables arriva tout à coup et le voyant penché au-dessus du bébé loup, laissa éclater sa rage meurtrière. Leurs babines retroussées et leurs grognements furieux firent comprendre à Cœur-de-lotus que ses congénères le croyaient responsable de quelque crime contre le louveteau.  Il n’eut même pas le temps de leur expliquer quoi que ce soit que les loups enragés se ruèrent sur lui pour l’attaquer.

 

Il prit ses jambes à son cou. Comme une autre de ses particularités était qu’il courrait plus vite que la moyenne des loups, il réussit à s’échapper et alla se terrer au fond d’une grotte, dont lui seul connaissait l’existence.

 

Depuis ce jour, le loup vécut complètement solitaire, sans plus jamais rechercher la compagnie des autres loups. Il parlait aux arbres, aux fleurs et à la mousse, se contentant de leur beauté et de leur compagnie silencieuse, mais laissait parfois échapper un hurlement de tristesse  si poignant que les brins d’herbe eux-mêmes en tremblaient d’émotion.

 

Quelques mois plus tard, alors qu’il somnolait sur le sol de la grotte, il fut réveillé par le bruit d’un léger souffle à l’extérieur. Le bruit se rapprochait, se rapprochait… Tout à coup, il vit poindre le bout d’un museau, puis une tête entière. Il reconnut immédiatement le regard qui le fixait. C’était celui du jeune loup qu’il avait secouru, un loup qui était en réalité une louve et qui en grandissant, était devenue d’une beauté époustouflante.

 

Il fut émerveillé par les accents veloutés de sa douce voix. Elle avait passé des jours et des jours à le chercher, tenant à le remercier pour ce qu’il avait fait et lui présenter les excuses de tous les membres du peuple loup, pour la manière cruelle dont il avait été traité.

 

C’est ainsi que Cœur-de-lotus, conquis par la beauté, le charme et la douceur de celle qu’il avait sauvée un jour, accepta de reprendre sa place au milieu de son peuple. Cette fois, il fut admis généreusement  parmi les siens, et ne fut plus jamais l’objet d’aucun jugement ni a priori à propos de sa différence. »

 

 

 

Du début à la fin du récit, les enfants étaient restés silencieux, leurs grands yeux rêveurs guettant impatiemment sur les lèvres de leur grand-mère la suite du récit. Ils restèrent muets quelques secondes encore après que Mathilde se fut arrêtée de parler. Puis Matthéo demanda :

 

-          Il s’appelle Coeur-de-lotus, ton loup, Alexis ?

 

-          Non, petit.  En fait… ce loup n’a pas de nom, et ce n’est pas mon loup, c’est juste mon ami, qui vient me rendre visite de temps en temps.

 

-          Oui mais il vient tous les jours,  non ? intervint Elodie.

 

-          Tous les jours depuis maintenant trois semaines, oui.

 

-          Alors il faudrait lui trouver un nom, en conclut Léna.


 

Alexis et Mathilde échangèrent un sourire complice.


 

-          Après tout…pourquoi pas ? fit Alexis. Alors votons ! Qui est d’accord pour que notre ami le loup que voilà, fit Alexis en désignant l’animal, porte désormais le nom de Cœur-de-lotus ?

 

Mathilde, Alexis et les trois enfants levèrent tous leur main en même temps.

 

-          Alors adjugé ! Mon ami, te voilà baptisé !

 

Comme s’il avait compris, le loup quitta sa position assise, se releva fièrement et poussa un petit grognement de satisfaction qui fit rire les enfants aux éclats.

 

Puis, Mathilde prit la parole à son tour :

 

-          Moi aussi j’ai une requête.

 

Toutes les têtes se tournèrent vers elle :

 

-          Cette demande s’adresse à Alexis : Demain, c’est le réveillon de Noël. Nous le passerons tous ensemble avec le papa et la maman d’Elodie, Matthéo et Léna. Si, comme je le pense, vous êtes seul pour ce réveillon, j’aimerais que vous le partagiez avec nous.

 

D’abord surpris par cette invitation, Alexis resta sans voix. Puis ce fut l’émotion qui l’empêcha de parler. Les trois enfants s’écrièrent alors en même temps :

 

-          Oh oui, oui Alexis ! Dis oui !

 

Il regarda tour à tour Mathilde qui lui souriait chaleureusement, puis les yeux des enfants remplis de confiance et de joie spontanée, et répondit simplement, la gorge nouée :

 

-          D’accord.

 

-          On pourra emmener Cœur-de-lotus, mamie ? demanda Matthéo.

 

Mathilde se tourna alors vers Alexis :

 

-          C’est grâce à Cœur-de-lotus que vous nous avez trouvés dans la forêt, alors je crois qu’il mérite bien un réveillon de Noël, non ?

 

Sans plus aucune hésitation, Alexis plongea alors son regard dans celui de Mathilde et répondit :

 

-          Oui, c’est vrai, il l’a bien mérité…

 

 

 

Le lendemain, au réveillon de Noël, Alexis retrouva pour la première fois depuis très longtemps, le goût réconfortant de la chaleur humaine et l’ambiance magique d’un Noël pas comme les autres, un Noël qu’il n’oublierait pas de sitôt.

 

 

FIN

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



18/12/2011
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