L'aube fleurie

L'aube fleurie

Alexis et le loup / épisode 4

 

 

 

   Alexis promena le halo de sa lampe-torche sur la forme obscure, objet de sa surprise : une voiture. Rangée sur le bas-côté… et à l’intérieur, une femme et trois enfants blottis les uns contre les autres, effrayés à la vue du loup qui venait de poser ses deux pattes sur la portière.

-          N’ayez pas peur, leur dit Alexis, il ne vous fera aucun mal, il est avec moi.

Comme s’il avait compris chacun de ses mots, le loup ôta ses pattes et vint se poster derrière Alexis. La femme ouvrit alors la portière et descendit.

-          Vous êtes en panne ? Demanda Alexis.

-          Oui, répondit-elle. Pas moyen de redémarrer la voiture, et comme j’ai essayé un certain nombre de fois, j’ai bien peur d’avoir noyé le moteur. Pour couronner le tout, je n’arrive pas non plus à téléphoner. Il semblerait qu’il n’y ait pas de réseau ici.

-          A ça non, ma p’tite dame, pas de réseau ici. Vous savez que vous êtes en plein milieu de la forêt ? D’ailleurs, pourquoi êtes-vous venue vous perdre ici avec trois bambins ? Vous savez que si mon ami ici présent ne m’avait pas mené jusqu’à vous, ajouta-t-il en jetant un coup d’œil amical au loup, vous auriez eu le temps de congeler, coincés dans cette voiture, avec le froid qu’il fait !

-          Ca je l’avais compris, je vous remercie, répondit la dame, un peu agacée, je me suis perdue...

-          Bon, on discutera de tout ça au chaud. Sortons ces bambins de là-dedans.

La femme ouvrit la portière et demanda aux trois enfants de descendre. Mais voyant le loup tout près, aucun d’entre eux ne voulait bouger.

-          Allons, n’ayez pas peur, les rassura Alexis, je vous assure qu’il est inoffensif ce loup. La preuve, il ne m’a pas encore mangé, ajouta-t-il en leur lançant un clin d’œil complice. Pourtant, j’ai la chair encore aussi fraîche qu’un cochon de lait !

Il ponctua sa phrase d’un grognement et les enfants éclatèrent de rire en même temps. Cela suffit à les rassurer et à les décider à descendre.

La neige était épaisse. Aussi proposa-t-il de porter sur ses épaules le plus petit des trois enfants. Puis, il ouvrit la route, armé de sa lampe-torche.

 


 

   La courte marche qu’ils venaient de faire dans la neige suffit pourtant à tremper leurs jambes jusqu’à mi-mollet, chaussés qu’ils étaient de simples escarpins pour la dame, et de basketts pour les enfants. Aussi, dès qu’ils arrivèrent, ils s’installèrent  immédiatement près du feu et y présentèrent avec soulagement leurs jambes et leurs pieds rougis.

-          Alors, dites-moi un peu pour quelle raison vous êtes venues vous perdre par ici, demanda Alexis.

-          Vous savez, ce n’est pas volontairement que je suis passée par cette forêt. Je me suis perdue, tout simplement. Comme vous vous en doutez peut-être, je suis la mamie de ces trois enfants. Ils sont venus en vacances chez moi pour quelques jours et j’étais en route pour les ramener chez leurs parents. Je n’ai pas conduit sur un aussi long trajet depuis très longtemps et je n’y vois plus très clair la nuit. Pour tout vous dire, c’était toujours mon époux qui conduisait, avant. Il est décédé il y a deux ans et depuis, j’ai dû me remettre à conduire. Mais comme vous pouvez le constater, j’ai… un peu perdu la main ! se moqua-t-elle d’elle-même en souriant. Mais ma tête de mule de fille a quand-même tenu à ce que je ramène les petits moi-même. Il fallait que je prenne confiance en moi, paraît-il. Et voilà le résultat ! conclut-elle en riant. Je ne devrais pas trouver ça drôle, s’empressa-t-elle d’ajouter, à l’heure qu’il est, ma fille doit se faire un sang d’encre ! A propos, vous permettez que je lui passe un petit coup de fil ?

-          A ca, ça ne va pas être possible…

Elle le fixa d’un air perplexe, s’attendant à découvrir qu’il était en train de la faire marcher. Mais il la regardait d’un air désolé, alors, pour être certaine d’avoir bien entendu, elle reformula sa réponse :   

        -     Ca ne va pas être possible ?

-          Non, désolé. Je n’ai pas le téléphone.

-          Vous n’avez pas le téléphone ? répéta-t-elle, ahurie.

-          Eh non ! fit-il, amusé. Pas de téléphone ici.

-          Mais comment je vais faire ? s’affola-t-elle. Comment vais-je pouvoir prévenir les parents des petits ?

Elle le regardait de ses yeux implorants et Alexis répondit par un geste des deux mains pour signifier son impuissance.

-          Mais… vous avez bien un voisin, pas loin, qui a le téléphone ?

Alexis secoua la tête en signe de dénégation.

-          Non, aucun voisin, répondit-il.

-          Bon alors, s’il vous plaît, voudriez-vous me rendre un grand service et me conduire au moins jusqu’au prochain village pour que je puisse téléphoner ? Vous avez bien une voiture quand-même ?

En prononçant ces mots, elle sut immédiatement, en voyant le regard d’Alexis, que la réponse était non, il n’avait pas de voiture non plus.

-          Oh non ! C’est pas possible ! Comment je vais faire ?

-          Malheureusement, je ne vois vraiment pas d’autre solution pour vous que de passer la nuit ici. Le prochain village est à plus de vingt kilomètres  et je ne me vois pas vous y conduire à pied, en pleine nuit, dans un mètre de neige, habillés comme vous l’êtes et en compagnie de trois enfants.

Devant sa mine désolée, Alexis se fit rassurant :

-          Allez, ne vous en faite pas, je connais un type qui doit passer me ravitailler en bois demain matin. Il pourra vous amener au village. En attendant… poursuivit-il d’une voix plus forte et en se tournant vers les enfants : est-ce que quelqu’un aime les crêpes ici ?

-          Moi !

-          Moi !

-          Moi !

crièrent les trois enfants en même temps.

-          Très bien, alors allons-y pour une soirée crêpes !

Puis, se tournant vers la dame :

-          Comment vous appelez-vous ?

-          Mathilde, Mathilde Delespierre.

-          Eh bien… Mathilde, installez-vous confortablement près du feu, j’en ai pour quelques minutes, le temps de préparer la pâte. Au fait, moi c’est Alexis.

-          Mais non, voyons, je vais vous aider.

-          Non, restez avec les enfants. Il y a plein de livres dans le buffet que vous voyez là-bas, fit-il en lui désignant le meuble. Servez-vous et racontez-leur des histoires. Les enfants aiment ça les histoires, non ? Je suis désolée mais je n’ai pas la télévision.

-          Vous n’avez ni téléphone, ni télévision, ni voiture… vous vivez complètement isolé…

-          Mais parfaitement heureux, je vous assure.

-          Mmm…

-          Vous pouvez me croire. Bon, allez-y, moi je vais préparer la pâte.


Aussitôt, il s’éloigna en direction de la cuisine, le loup sur les talons.

 

 

 

 

 A suivre...

 

 

 

 



16/12/2011
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