L'aube fleurie

L'aube fleurie

Alexis et le loup / épisode 2

    

 

 

 

 

 

  Alexis et le loup restèrent un long moment ainsi, à partager le silence, troublé seulement par le crépitement des bûches dans les flammes. L’homme et l’animal semblaient communier, reliés seulement par le souffle de leurs respirations.

Puis le loup se leva, tourna son regard vers Alexis et aussitôt, prit la direction de la porte d’entrée. Alexis comprit que le moment était venu pour son ami loup de repartir vers son monde. Alors il le suivit, le contourna et lui ouvrit la porte. L’animal s’éloigna en courant dans la neige hivernale, puis, quand il eut atteint cette limite où l’on ne pouvait plus distinguer que le cercle brillant de ses yeux, il se retourna, lança un dernier regard à son ami humain et disparut dans l’ombre de la forêt.


Alexis ferma la porte avec un sourire. Le même rituel recommençait chaque jour depuis maintenant quelques semaines, mais il s’étonnait chaque fois davantage de pouvoir vivre cette amitié hors du commun… une amitié avec un animal, une amitié avec un loup !


      Il retourna s’asseoir, saisi soudain d’une imprévisible nostalgie. Une pensée venait de s’immiscer en son esprit,: celle des siens, disparus prématurément dans des circonstances dramatiques. Ce jour-là, il conduisait prudemment, mais l’euphorie dans laquelle ils se trouvaient tous, après une fête familiale particulièrement réussie, avait entamé sa vigilance. Il n’avait pas vu à temps le bolide qui fonçait droit sur eux. Sa compagne et ses deux enfants étaient décédés sur le coup. Lui s’en était miraculeusement sorti avec une jambe cassée, diverses contusions et un mémorable coup du lapin, resté pourtant étrangement sans conséquence. En revanche, les séquelles psychologiques étaient toujours là, tranchantes comme dix lames de couteau plantées dans sa chair à vif, chaque fois que lui revenaient en mémoire les images de l’accident, à savoir tous les jours depuis sept ans.

 


     Après les premiers jours de désespoir total, où la solution du suicide l’avait effleuré à plusieurs reprises, il avait fait preuve d’énormément de courage, entouré qu’il avait été de ses parents, de ses amis, de ses collègues. Mais jamais il n’avait pu se débarrasser de ses flashs terribles, toujours aussi traumatisants des années plus tard.

     Il avait très rapidement repris son activité professionnelle, cherchant ainsi à s’occuper l’esprit pour chasser les idées noires, mais il s’était volontairement isolé. Il ne parvenait pas à partager sa douleur, elle était trop intense. Il ne trouvait d’autre moyen d’en atténuer la violence qu’en évitant d’en parler. Mais par souci de l’aider, et parce que le voir aussi malheureux les rendait tristes, ses parents et ses amis, seulement soucieux de le soulager, n’avaient fait, en réalité, qu’accentuer son chagrin, en lui rappelant sans cesse les mauvais souvenirs.


      Alors, peu à peu, il s’était volontairement isolé de tous. Il avait même déménagé et changé de travail, il s’était installé dans une autre ville, très éloignée, et n’avait plus donné aucune nouvelle à quiconque.


      Une fois installé dans son nouveau cadre de vie, il avait soigneusement évité tout contact humain, sauf bien sûr, les inévitables contacts professionnels. Il s’était montré courtois envers chacun, disant bonjour, au revoir et merci, mais jamais un mot de plus. Personne ne savait qui il était, d’où il venait, s’il vivait seul ou avait une famille, quels étaient ses centres d’intérêt, ses passions, s’il aimait la musique, la lecture ou le sport... Alexis était resté un parfait inconnu pour tous, puisqu’il s’était bien gardé de dévoiler quoi que ce soit sur lui-même.


     Il n’en avait pas fallu plus pour que la rumeur le classe parmi les gens bizarres, mystérieux, étranges, donc potentiellement dangereux. Aussi, lorsqu’une sombre affaire de mœurs, qui s’était terminée par un crime crapuleux, avait secoué tout le village où il avait élu domicile, comme il s’était trouvé sur les lieux du crime à l’heure fatidique, il était immédiatement apparu aux yeux de tous, comme le coupable idéal.

Ce fut seulement au cours de cette affaire, que ses collègues et voisins en avaient appris un peu plus sur sa vie. Des bruits invraisemblables s’étaient mis alors à courir. Certains avaient dit que la mort de sa famille l’avait rendu fou et que c’était sûrement cette folie qui l’avait poussé au crime. D’autres avaient même avancé l’idée qu’il avait peut-être délibérément tué les siens. Cette dernière rumeur l’avait profondément meurtri. Ce fut le jour même où il en avait entendu l’horrible bruit qu’il avait décidé de se retirer définitivement du monde.

 

 

 

 

A suivre... 

 

 

 

 

 

 


 

A suivre...

 

 

 

 

 



09/12/2011
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