L'aube fleurie

L'aube fleurie

Peur ou folie

La folie des hommes n'est pas tant le fait de leur course effrénée et aveugle vers la destruction totale des espèces et du vivant, pas tant leur haine, leur égoïsme, leur indifférence, leur cupidité, leur mépris, que leur incapacité à vivre l'instant présent et par conséquent à Etre.

Les hommes sont, soit dans le passé, qu'ils ruminent, qu'ils déplorent ou qu'ils regrettent, soit dans le futur qu'ils espèrent ou qu'ils redoutent, mais rarement dans le présent. Et parce qu'ils ne sont presque jamais dans le présent, ils ont peur de revivre ce passé qui leur a laissé des traces amères ou douloureuses, ou peur de l'avenir qui les attend s'ils ne parviennent pas à obtenir ceci ou cela. Parfois même ils ont peur à la fois des spectres du passé et du sombre nuage de l'avenir. Puis, tout tourne immanquablement autour de cette peur. Tout est pensé et acté en fonction de cette peur.

On a peur de l'autre et de ses intentions supposées parce qu'il nous rappelle le passé et constitue donc une menace pour l'avenir.

On a peur de l'étranger parce qu'il est différent, que l'on ne comprend pas ses traditions, ses coutumes, ses lois, sa religion, sa culture, toutes ces choses qui n'ont jamais fait partie de notre passé, ces choses que nous ne connaissons donc pas et au travers desquelles il nous est impossible de nous projeter dans l'avenir.  

Les hommes ont  peur de manquer : d'argent, de pain, d'air, d'espace, alors ils se font la guerre pour imposer la propriété d'un territoire et se mettre ainsi à l'abri du manque ; ils fabriquent et commercialisent des produits, en grande quantité - même s'ils  sont conscients de vendre du poison - pour être sûrs d'obtenir beaucoup d'argent, afin de voir venir ; ils asservissent les autres hommes parfois, souvent, pour être tout à fait certains de rester les maîtres, de rester ceux qui distribuent et non ceux qui attendent de recevoir.

La folie des hommes, c'est de penser et d'agir en fonction de leurs peurs qui, elles-mêmes, sont esclaves du temps.

Un petit enfant, lorsqu'il est effrayé, se cache les yeux et les oreilles de ses deux mains, pour faire disparaître l'objet de sa peur, et pleure en attendant que ses dieux père et mère viennent le sauver. Il en est exactement de même de l'homme du vingt-et-unième siècle. Il oublie seulement qu'il est son propre dieu mais uniquement s'il est uni à tous les autres hommes, fondu en eux.  La race humaine, si elle reste soumise à la peur, ne peut que disparaître.

L'homme qui a su briser le cercle infernal, qui s'est libéré de l'esclavage du temps, possède la vue d'un aigle, la force d'un lion, la puissance d'un cheval au galop, mais aussi la douceur d'une colombe et l'admirable fidélité d'un chien maltraité. On le croit faible et pourtant, à lui seul, il est plus fort qu'une armée de colosses. On le croit diminué et l'on a tort car il a grandi jusqu'à cet ultime sommet que peu d'êtres vivants ont connu et dont il ne redescendra jamais plus. On le croit résigné, au contraire, sa détermination a la force d'un torrent impétueux. On peut penser que sa tendresse va lui faire perdre la passion de sa cause mais c'est l'inverse qui se produit. Car ce sentiment nouveau qui le bouleverse, le transfigure, le transcende, va lui donner des ailes pour voler vers ceux qu'il lui faut encore sauver.

Car il est mort avant de mourir en prenant possession de son être. Il a senti l'illusion de  la mort et la force de vie. Il sait maintenant ce qu'est la vie, il sait qu'il est la vie. Il a trouvé son être, il trouvé l'Etre. Il a senti, au plus profond de lui, la chaleur de la lumière qui l'éclaire et le parfum rafraîchissant des fleurs d'amour qui le bordent, il a trouvé le chemin de la vie et ne s'en écartera plus jamais.

Qui a senti la réalité de son être a senti la réalité de tous les êtres vivants unis en lui, fondus en lui. Qui a senti la réalité de son être, a senti Dieu. Et c'est bien pourquoi, du plus profond de son être, il croît à cette évidence : l'Etre est dans l'amour et l'amour est dans l'être. Il saisit cette vérité profonde qu'être c'est aimer et qu'aimer c'est être.

        Pourquoi les personnes qui sont revenues du seuil de la mort ne doutent-ils plus un instant de cette évidence ? Comment parvenir à ressentir ce qu'ils ressentent ?  Est-il nécessaire, pour y parvenir, de passer soi-même par l'épreuve de la maladie ou de l'accident ? Faut-il souffrir beaucoup pour comprendre ?

       Non, bien sûr, car la maladie et la souffrance ne sont pas naturelles et ne doivent jamais être érigées en principe. Elles sont des anomalies de la nature, des cancers. Pourtant, le fait d'aller chercher au fond de soi, toute la puissance, toute la force, toute la foi, tout le courage dont on est capable pour combattre ces cancers, au nom de la vie, voilà qui confère à cette vie toute sa dimension, tout son sens et qui révèle son autre nom : Amour.

Le principe d'amour n'a pas de contraire. Il n'existe pas de principe de haine. La haine est seulement l'expression de la peur et la peur n'est que la force de vie non libérée. Or, la peur ne vit ou ne survit qu'à travers l'esclavage du temps. Qui vit l'instant, qui s'en abreuve comme on s'abreuve d'un nectar velouté entre deux chagrins, devient le maître du temps, donc le vainqueur de sa propre peur. Alors seulement son cœur peut s'ouvrir à l'amour. Alors seulement il peut comprendre l'autre, son frère et construire un nouveau monde avec lui.

       Mais s'il n'est pas nécessaire de souffrir pour s'ouvrir à cette dimension spirituelle salvatrice, alors que faire ?  Comment faire ? Quelle est la clé du mystère ?

La seule réponse est dans l'instant. Vivre l'instant, tout simplement.

Profondément.

Intensément.

Amoureusement.

 

MP



26/03/2011
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