L'aube fleurie

L'aube fleurie

ETRE

« Etre ou ne pas être, telle est la question », a dit un jour Shakespeare, et cette citation a fait ensuite le tour du monde, tant elle est criante de vérité. Mais à partir de quel moment l'être humain pourrait-il affirmer « je suis », si toutefois il en était capable de manière innée ? Dès la première seconde de sa naissance ? Dès que le spermatozoïde a fécondé l'ovule ? A l'instant même de sa conception, au moment où la volonté commune aux deux parents, consciente ou inconsciente, de donner la vie, s'est manifestée dans l'acte d'amour ? Quand ? A partir de quand existons-nous ? A partir de quel instant précis pouvons-nous affirmer « je suis » ?

 

Personnellement, je pense qu'aucune de ces trois éventualités n'est envisageable. Je peux affirmer, dans les trois cas, en tant qu'entité vivante, « cela est », dans le sens où l'énergie qui représente et qui actionne mon corps, par la mystérieuse alchimie qui préside à toute naissance, fait que je suis visible par les autres, mais en aucun cas « je suis. »

 

Je ne peux affirmer « je suis » que lorsque j'ai pris pleinement conscience de la réalité de mon être, en tant qu'entité individuelle indépendante, possédant un caractère bien déterminé, fonctionnant de manière autonome et particulière, ayant des pensées spécifiques, des désirs et des projets personnels.

 

Certains acquièrent très vite cette conscience d'être. S'ils possèdent une grande volonté, beaucoup de courage et de patience, une certaine ambition et beaucoup d'enthousiasme, ils peuvent aller très loin, très vite, et concrétiser leurs rêves assez aisément, avec, dans leur poche, l'incomparable atout de la jeunesse.

 

D'autres ont besoin de beaucoup plus de temps. Il leur faut parfois de nombreuses années pour découvrir enfin qui ils sont vraiment et pouvoir affirmer « voilà qui je suis."» Ceux-là se sentent alors irrésistiblement attirés vers une autre vie, une vie qui corresponde mieux à ce qu'ils sont réellement. Il leur arrive parfois de tout quitter pour tout recommencer ailleurs ou autrement. On a déjà vu des cadres supérieurs de grandes entreprises métropolitaines quitter leur travail du jour au lendemain pour aller s'installer dans une petite ville de province, voire même à la campagne, pour y exercer ce petit métier d'artisan pour lequel ils viennent de se découvrir ou de se redécouvrir une prédisposition ou un talent.

 

D'autres encore, malheureusement pour eux, ne découvrent jamais leur être profond et passent toute leur vie à côté de leur vie.

 

Pourquoi sommes-nous tous si différents de ce point de vue ? Pourquoi certains s'accomplissent-ils si aisément dans la vie ? Pourquoi faut-il si longtemps à d'autres ? Pourquoi les derniers n'y parviennent-ils jamais ?

 

Parce que, tout simplement, ils ne sont pas seuls. Il y a les autres. Il y a tous les autres. Les parents, les vrais amis, les faux amis, les collègues, les conseilleurs, les guides, spirituels ou autres… Si chaque individu était né de génération spontanée et vivait sur une île déserte, il lui serait facile de s'accomplir en tous points selon ses désirs propres, puisqu'il n'y aurait personne d'autre pour lui dire « tu es ceci ou cela, tu dois faire ceci ou cela. » Mais ce n'est pas le cas, nous sommes, dès notre petite enfance, soumis aux désirs, aux souhaits, aux volontés des autres, et le plus difficile consiste à nous en démarquer un jour. Mais le faisons-nous toujours ? Avons-nous toujours le courage de nous affirmer ? Avons-nous toujours le courage d'être nous-même ?

 

Car le problème est là. Pouvons-nous affirmer, au moment même ou j'écris ces lignes et à celui où vous les lisez, que vous et moi sommes exactement à la place où nous souhaitons être, à faire, en tous points ce que nous aimons faire, à être ce que nous avons toujours voulu être ? Si la réponse est oui, sur absolument tous les points, alors nous sommes des êtres libres et nous pouvons affirmer « je suis », car nous avons réussi à mettre notre vie en adéquation avec notre moi profond. Si tel n'est pas le cas, nous vivons notre vie par procuration, nous ne sommes pas nous-mêmes et dans la plupart des cas, nous souffrons de cette situation. Ce n'est pas là la définition d'un être libre.

Si je devais donner une définition de la liberté, je dirais sans hésiter qu'être libre, c'est tout simplement être, c'est-à-dire pouvoir clamer haut et fort : « je suis. »

 

 

 

M.

 

 

 



12/03/2010
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