L'aube fleurie

L'aube fleurie

Concessions

Un couple de jeunes mariés qui venait d'emménager, se disputait âprement à propos d'un objet, dispute qui les amena, une fois de plus, à aborder l'un de ces sujets brûlants qui les opposaient déjà depuis fort longtemps et sur lequel ils ne parvenaient pas à trouver de compromis. Car cet objet mythique, à la symbolique des plus évocatrices, portait le nom de croix ou plus exactement de crucifix. La jeune femme, très croyante, voulait à tout prix l'accrocher dans l'entrée, bien en évidence, afin que tout le monde pût la voir. Quant au jeune mari, athée à cent pour cent, il ne voulait pas entendre parler de cette idée ridicule qui risquait de le faire passer pour un bigot !

 

Tout y passa, la naïveté et la trop grande générosité de l'un, le matérialisme et l'individualisme forcené de l'autre. Il la traita de grenouille de bénitier. Elle lui reprocha son égoïsme. Le ton monta. Les injures également. Il poussa des ailes à la vaisselle qui, malheureusement ne possédait pas de train d'atterrissage. Une heure plus tard, des bris de verre et de porcelaine jonchaient la cuisine et la salle à manger, des lambeaux de vêtement tapissaient la chambre.

 

Le temps de rassembler ce qui leur restait de leurs biens respectifs, ils se quittèrent au bout de trois jours, la jeune femme gardant l'appartement que ses parents avaient financé pour une large part. Et puis, au bout des trois jours, finalement, l'attendrissante naïveté de l'une manquait à l'autre, la fausse rudesse de l'un manquait à l'autre. Aussi, le jeune mari repentant réintégra-t-il le foyer conjugal, avec l'espoir que sa dulcinée n'aurait pas la rancune aussi tenace que son obsession des objets religieux.

 

Il sonna à la porte d'un doigt hésitant, une porte qui s'ouvrit instantanément. Le temps de sonder le brun et le bleu de leurs regards respectifs, les deux jeunes époux étaient dans les bras l'un de l'autre, à se traiter mutuellement d'imbéciles. Après un long baiser passionné qui scella leur réconciliation, le jeune homme s'éloigna légèrement de son épouse et lui tendit un paquet qu'il déclara destiné à se faire pardonner. Emue, elle le prit sans quitter son regard des yeux et resta ainsi quelques secondes à savourer ce moment. « Ouvre-le ! » lui dit-il alors sur un ton impatient. La jeune femme pencha la tête vers le petit paquet rouge enrubannée d'or et commença à le développer. Elle découvrit une boîte, rouge elle aussi. De toute évidence, il s'agissait d'un bijou mais elle était loin d'imaginer ce qui pouvait bien se trouver à l'intérieur et lorsqu'elle le découvrit, pendant quelques secondes, elle ne put en détacher son regard embué. Elle avait au creux de ses mains la plus magnifique croix qu'elle eût jamais vue, assortie d'une chaîne en or. Enfin, elle leva la tête vers son jeune époux qui, guettant sa réaction, lui souriait d'un air amoureux, lui sourit à son tour, passa ses bras autour de son cou et l'embrassa comme jamais.    

 

               Ð

 

 

            Voilà comment un symbole religieux censé unir et rassembler, peut en arriver à séparer et à détruire. Et voilà comment il peut ensuite réunir et réconcilier. Le petit détail qui lui permet de passer d'une fonction à une autre, c'est l'amour. Sans l'amour, toutes les croyances religieuses, quelles qu'elles soient, sont futiles et peuvent même être destructrices. C'est ce petit détail qui fait toute la différence et qui pourtant, est oublié par la plupart des pays en guerre au nom de leurs croyances. Et si ces pays s'offraient mutuellement des cadeaux religieux de réconciliation ? Il est permis de rêver...

 

 

 

M.

 

 



09/02/2017
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